Encore inconnus sur la carte du rock, les Français de Cannibale doivent leur nom au fait qu’ils pratiquent « une sorte de garage réunionnais » où la moiteur tropicale du groove bouffe lentement toutes les idées reçues sur ce que devrait être une sortie Born Bad (des Blousons noirs écoutant Johnny, mais attendez, on va y revenir). Si cannibalisme il y a sur « No Mercy of Love », c’est donc plus en référence aux rythmes caribéens qu’on entend parfois, ainsi qu’à ce psyché de cambrousse, qui font de ce premier album une sorte d’anomalie au pays des 35 heures.
Pas de silence chez Cannibale, et pour les agneaux, on en restera au bled paumé où vivent les membres du groupe (un hameau en Normandie, 300 âmes vaches comprises). Plus que de bouffer des hommes, les mecs ont jusque là plutôt rongé leur frein. Leur histoire, comme leur musique, sort un peu des caciques : une rencontre au collège pour le guitariste Manuel et le chanteur Nicolas (jusque là c’est l’histoire de 99% des groupes de rock), sauf que les membres de Cannibale ont un profil à la Frustration (ils ont dépassé la quarantaine). Que s’est-il pendant vingt ans ? Les mecs y ont cru dur comme une barre à mine, ont joué dans des tonnes de groupes pas retenus au casting (Boloniaise, Amib, Kouyaté Neerman, Renza Bo, Blast…) et se sont même retrouvés musiciens de studio aux côtés de Camille Bazbaz ou… Johnny (on y revient). Après avoir gagné un tremplin Inrocks Labs avec leur avant-dernier groupe (Bow Low) et sorti deux albums chez Because Editions, les Normands décident finalement de créer Cannibale en 2016.
A priori, le début de cette non carrière ne laissait pas présager de ce qu’on peut aujourd’hui entendre sur « No Mercy Of Love », à savoir un étonnant mélange entre cumbia, rythmes africains et rock garage ; dit autrement, une sorte de chainon manquant entre Fela Kuti, les Doors et The Seeds. Pour se hisser sur le podium de la gloire, Cannibale a finalement la bonne idée de sortir un tabouret du placard puis de contacter JB de Born Bad. Et c’est là qu’on entre dans un remake de L’équipée sauvage avec Brando : « Puis JB nous a répondu ça lui plaisait, alors il est venu en moto chez nous, il a fait un dérapage pour nous impressionner, et on a mangé de la purée. Il en a repris deux fois, tout en nous disant : ‘’cette purée est complètement baiséee !’’. Après il est reparti en nous disant : ‘’en route pour la gloire !’’. Alors on attend ». Avec des morceaux comme Hidden Wealth, Cariibbean Dream ou Mama, patience les gars, ça ne devrait pas tarder à arriver.
Après les récents « The Quirky Lost Tapes » d’El Blaszcyk et du « Rhapsode » de Forever Pavot – à qui Cannibale fait parfois penser – cet album est une nouvelle preuve de l’ouverture d’esprit du label qui confirme aussi la passion du patron pour les destins tordus. Qui d’autre aurait pu miser sur une bande de quarantenaires aussi blancs dans leurs origines qu’ils sont noirs à l’intérieur ? A priori, personne. « Sortir notre album à plus de quarante balais, ça nous fait bien marrer. Evidemment qu’on y croit toujours, on fait que ça, ça nous maintient en vie ». Comme quoi, on peut se nommer Cannibale et croire aux résurrections.
Bester Langs
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Still unknown in rock territory, French band Cannibale gets its name from its «kind of exotic garage» music whose humid tropical groove is slowly eating up all the stereotypes about Born Bad releases. If there’s cannibalism to be found in «No Mercy for Love», it’s in reference to the Caribbean rhythms here and there, and to the psychedelic sound from the backwoods that make this first album a peculiar occurrence in the land of strikes and wine drinkers.
There’s never any silence with Cannibale and, as for the lambs, we’ll stick to the village in the middle of nowhere where the band members reside—a hamlet in Normandy with a total population of 300 including the cows. Rather than human flesh, these guys have been feeding on their own impatience. Their tale, just like their music, doesn’t fit any usual standards: lead guitarist Manuel and singer Nicolas met in junior high (which is the case for 99% of rock bands so far), but the members of Cannibale have a Frustration type profile—almost all of them are over forty. What happened during the last twenty years? With unbending faith, these guys played in loads of bands that never made it to the top (Amib, De Rien, 7Questions, Kouyaté Neerman, Renza Bo, Blast…) and even ended up playing as session musicians alongside Camile Bazbaz or Johnny Halliday. After winning the Inrocks Labs contest with Bow Low, their penultimate band, and releasing two albums with Because Editions, the Norman guys finally decided to create Cannibale in 2016.
In theory, considering the beginning of their career, or lack thereof, you couldn’t imagine you’d end up hearing the sounds from «No Mercy for Love»: a surprising mixture of cumbia, African rhythms and garage music. Or, if you will, a kind of missing link between Fela Kuti, The Doors, and The Seeds. So as to climb the ladder of success, Cannibale eventually had the good idea to add a seat to the table and contact JB from Born Bad. That’s when the story turns into a remake of The Wild One, the Brando movie: «JB told us he liked what he heard, so he drove his motorcycle to our place, tried to impress us with a controlled skid, and then we had mashed potatoes. He helped himself to two more servings and said ‘’This mash is totally fuucked!’’ Later on, on his way out, he said: ‘’Let’s hit the road to glory!’’ So now we wait.» With such tracks as Hidden Wealth, Carribean Dream, or Mama, stay patient guys, success shouldn’t be too late to come now.
Following other recent releases such as El Blaszyck’s «The Quirky Lost Tapes» and «Rhapsode» by Forever Pavot—whom Cannibale resembles at times—this album is yet another testimony of the label’s open-mindedness, a proof of the boss’s passion for uncommon destinies. Who else would have betted on a bunch of forty year-olds whose origins are as white as their soul is black? No one, in theory. «Releasing the album in our forties, we think it’s a laugh. Of course we keep on believing, it’s all we do, it’s what’s keeping us alive.» Goes to show you can be called Cannibale and still believe in resurrections.