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À l’époque, quand il était batteur de Poni Hoax, en coulisse après les concerts, Vincent Taeger chantait en français ce qui lui passait par la tête, juste comme ça, pour faire marrer son ami le regretté Nicolas Ker. Depuis, le temps a filé, entraînant indubitablement son lot d’aléas. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, cet artiste à la carrière longue comme le bras sort enfin son album de chanteur, OK Crooner. Un disque de chanteur, effectivement, mais aussi celui d’un musicien. Pour cette partie, Taeger ne rapplique pas seul. Il embarque avec lui sur quelques titres, le jazz Kamasutra, un sextette sexy sachant tout jouer qui l’accompagnera plus tard sur scène.
Pour en arriver là, il aura fallu attendre que Vincent Taeger arrête de faire mumuse avec Air, Damon Albarn, Justice, Lenny Kravitz, Skepta, Tony Allen, Oumou Sangaré, Jeff Mills, Archie Shepp, Sampa the Great, Andrea Laszlo de Simone… Plus de la moitié des grands noms de ce monde avec qui, il a un jour collaboré, passant par ici pour réaliser leurs disques ou simplement poser une ligne de batterie, basse ou tout autre instrument qui tabasse. Avant ce OK Crooner, il aura également fallu qu’il se métamorphose en Tiger Tigre. Un alias rugissant avec lequel il avait déjà sorti un premier album solo, instrumental, d’une profondeur telle qu’avec, l’on aurait pu penser que le fantôme de François de Roubaix épousait ses traits. Mais ça, c’était avant. Avant que ce musicien hors pair et sol ne décide de plonger dans ce vaste océan de la variété française afin de donner une suite, un aboutissement à ce projet.
Pendant le Covid, Vincent Taeger s’est mis à frénétiquement écouter Souchon, Chamfort, Gotainer et Christophe. Inspiré par ses aînés, sans pour autant renier son attachement aux arrangements soignés des BO façon Alain Goraguer, il s’est à son tour saisi d’une plume afin de coucher sur papier des bribes de chansons pour accompagner ses compositions toujours aussi sophistiquées. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y a pris goût ! Lui, qui vient du rap, a la punchline facile. Au gré des titres de l’album, il envoie autant de mots durs ou doux que de bons, alternant entre grivoiserie, gauloiserie et poésie. Radical du verbe, sa verve rythmée de rimes en F, OUK ou X ne raconte pourtant rien de lui. Inutile de chercher des indices autobiographiques. Il faut simplement se laisser embarquer dans les aventures de ce loser magnifique, honnête et drôle, tantôt groupie de la groupie, tantôt cœur d’artichaut à Shibuya, le temps d’un morceau co-écrit avec Julien Gasc. En multipliant les situations et les influences, sa musique se fait ainsi une place au soleil, lézardant aux côtés de celle de ses contemporains, à l’instar de Flavien Berger ou de Sébastien Tellier.
Enregistré en partie au Studio Ferber, mais principalement chez lui avec sa moitié connue sous l’alias La Plongée, pour l’occasion coproductrice du disque, OK Crooner est un album clef dans la discographie de Vincent Taeger. En plus d’être celui où il dévoile enfin sa voix au public, sans faux-semblant puisqu’elle est mise très en avant et peu, voire pas retouchée, Taeger propose également cette musique qui lui convient si bien. Pointue, mais accessible, jazz, pop, baroque, classique, moderne et résolument marquée par l’héritage de Tony Allen, qu’il se paye le luxe de matrixer avec Beethoven sur la 5eme. Si Vincent taeger est l’artificier en chef et qu’il joue la majorité des instruments, certains de ses vieux acolytes viennent l’épauler en kimono sur quelques pistes, formant ainsi le Jazz Kamasutra :
Ludovic Bruni (basse), Sylvain Daniel (basse), Arnaud Roulin (piano, synthé), Fred Soulard (synthé), Maud Chabanis (voix) Bettina Kee (voix), Mathias Allamane (contrebasse), Émile Sornin (ondioline) et Rémi Sciuto (saxophones). Son alter ego, Vincent Taurelle avec qui il a réalisé de nombreux disques s’est chargé de mixer le sien.
Récemment, on a pu l’entendre sur les albums de Justice, Seun Kuti, Raphaël et Clara Luciani, mais aussi dans le disque de Asynchrone, un hommage à Ryūichi Sakamoto, ainsi qu’au sein du trio jazz de Sylvain Rifflet. Il a également produit avec Vincent Taurelle, Yannis & The Yaw, soit le nouveau délire de Yannis Philippakis des Foals. En attendant qu’il présente un autre projet de reprises commandé par la Philharmonie de Paris en septembre 2025, le réalisateur Bertrand Perrin qui prépare un documentaire sur lui et qui l’accompagne partout depuis 2021 sortira peut-être son film.
Jacques Simonian
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Back in the day, when he was the drummer for Poni Hoax, Vincent Taeger would sing in French whatever came to his mind backstage after concerts, just for fun, to amuse his friend the late Nicolas Ker. Since then, time has flown by, undoubtedly bringing its share of ups and downs. Nonetheless, today, this artist with a long career is finally releasing his debut album as a singer, OK Crooner. It’s indeed an album for a singer, but also one for a musician. For this part, Taeger doesn’t come alone; he brings along the Jazz Kamasutra, a sexy sextet that knows how to play everything and will later accompany him on stage.
To get to this point, Vincent Taeger had to stop playing around with big names like Air, Damon Albarn, Justice, Lenny Kravitz, Skepta, Tony Allen, Oumou Sangaré, Jeff Mills, Archie Shepp, Sampa the Great, Andrea Laszlo de Simone… More than half of the major artists with whom he once collaborated, contributing to their albums or simply laying down a drum, bass, or any other heavy instrument line. Before OK Crooner, he also transformed into Tiger Tigre. This roaring alias was used for a first solo album, instrumental and so deep that one might have thought the ghost of François de Roubaix had taken shape. But that was before. Before this exceptional musician decided to dive into the vast ocean of French variety to give a sequel, a culmination to this project.
During COVID, Vincent Taeger started frantically listening to Souchon, Chamfort, Gotainer, and Christophe. Inspired by his elders, while not renouncing his attachment to the meticulous arrangements reminiscent of Alain Goraguer’s soundtracks, he picked up a pen to jot down snippets of songs to accompany his increasingly sophisticated compositions. And the worst part is that he enjoyed it! Coming from rap, he has a knack for punchlines. Throughout the album, he delivers just as many harsh or soft words as good ones, alternating between risqué humor, Gaulish wit, and poetry. Radical in his expression, his rhythmic flair with rhymes in F, OUK, or X doesn’t reveal anything about himself. There’s no need to search for autobiographical clues. One simply needs to get swept up in the adventures of this magnificent loser, honest and funny, sometimes a groupie of the groupie, sometimes a soft-hearted romantic in Shibuya, for a track co-written with Julien Gasc. By multiplying situations and influences, his music finds its place in the sun, basking alongside that of his contemporaries, like Flavien Berger or Sébastien Tellier.
Partially recorded at Studio Ferber, but mainly at home with his partner, known by the alias La Plongée, who co-produced the album for the occasion, OK Crooner is a key album in Vincent Taeger’s discography. Besides being the one where he finally unveils his voice to the public, without pretense as it is prominently featured and minimally, if at all, retouched, Taeger also offers music that suits him perfectly. Sharp yet accessible, jazz, pop, baroque, classical, modern, and resolutely marked by Tony Allen’s legacy, which he daringly mixes with Beethoven in the Fifth Symphony. While Vincent Taeger is the chief fireworks maker, playing most of the instruments, some of his longtime collaborators come to support him on a few tracks, forming the Jazz Kamasutra:
Ludovic Bruni (bass), Sylvain Daniel (bass), Arnaud Roulin (piano, synth), Fred Soulard (synth), Maud Chabanis (vocals), Bettina Kee (vocals), Mathias Allamane (double bass), Émile Sornin (ondioline), and Rémi Sciuto (saxophones). His alter ego, Vincent Taurelle, with whom he has produced many albums, took care of mixing this one.
Recently, he has been heard on albums by Justice, Seun Kuti, Raphaël, and Clara Luciani, as well as on the album by Asynchrone, a tribute to Ryūichi Sakamoto, and within the jazz trio of Sylvain Rifflet. He has also produced, alongside Vincent Taurelle, Yannis & The Yaw, the new project by Yannis Philippakis of Foals. While awaiting another project of covers commissioned by the Philharmonie de Paris in September 2025, director Bertrand Perrin, who has been documenting him since 2021, may release his film soon.
Photos Marikel Lahana