A l’heure du jazz conscient (cette musique faite par des gens qui la connaissent trop bien) et du sacrement des rois-puceaux (Bon Iver, James Blake, Kendrick Lamar, ces types à qui personne de sensé ne voudrait ressembler), l’essartage de l’actualité musicale n’a plus rien de la sinécure, et c’est le cœur lourd que l’on s’approche désormais de la pile de nouveautés. Et puis arrive un jour où vous tombez sur la pochette du premier album de Catholic Spray et, soudain, tout s’accélère. L’année, c’est 2011, le label, Teenage Menopause, et le disque, un concentré de ces moments de vérité crue où l’on se réveille torse nu devant un grec-frites froid à 5h du matin, dans un immeuble ravagé par les flammes d’un incendie causé par une baston entre deux trans. Guitares fouettant l’asphalte, vocaux de soulful branleurs carrément out of tune, mélodies intouchables. En d’autres termes : grosse magie sur l’eau, chef, attention. L’issue, en revanche, on ne la connaît que trop bien : un disque infernal, sublime, incandescent, et six mois plus tard le groupe explose en vol et nous laisse bavasser, seuls, pendant 20 ans.
Et puis en fait, non.
Après avoir rappelé qu’il était le groupe qui avait replacé l’épicentre du cool dans le 18ème arrondissement (« Hustling In Barbès », balancé d’entrée de jeu), Catholic Spray largue son inespéré deuxième album sur un tapis de goudron écrasé par la chaleur où filent à pleine vitesse des gerbes de refrains mongoloïdes (« Masterchief Of The Foxes », « Drift With Satan »), appuyant parfois un peu plus fort et avec plus d’assurance sur la boîte à mandales (« Black Cat »), histoire de bien souligner le propos et confirmer les progrès effectués en termes de maîtrise du véhicule. Pas de panique, cependant : le groupe roule toujours sans permis et les deux yeux bandés, guidé par les voix morveuses de Pierre et Cyprien, qui chantent comme on progresse contre le vent, en racontant des miettes de pas grand-chose, jamais rien que des histoires de sans l’sou qui voudraient bien fumer une ginos et se trouver un bout de cul, mineur s’il le faut. Le genre de types qui, lorsqu’il vous rentrent dedans, vous transmettent toute leur vie, comme une maladie.
Concassé en mille caillots infectieux, Earth Slime voit pourtant Catholic Spray quitter les marécages d’Amazon Hunt, où le groupe suait au milieu d’un tourbillon d’insectes, pour s’engager sur la voie des seigneurs, bardé de chrome et de haillons, désormais prêt à patater l’univers à 100% de ses capacités. Et tant pis si le mur de la fatalité et les chaudes heures de lose les attendent en bout de course, parce qu’à cet instant très précis, ils filent vers l’éternité pendant que les ruines de la Pitchfork Nation se calcinent et suppurent sous le soleil brûlant.
“La jeunesse peut me sucer la bite”, qu’ils disent.
Et comment. Et putain de comment.
Lelo Jimmy Batista
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In the days of conscious jazz (music done by those who know way too much about it) & pale idols (Bon Iver, James Blake, Kendrick Lamar, people nobody wants to look like), sorting through the new releases is a dirty job. Then comes the day you stumble upon Amazon Hunt, Catholic Spray’s first album, and everything suddenly gets faster, louder and weirder. The year was 2011, the record label was Teenage Menopause, and the record sounded like one of those days made of nothing but raw, naked truth when you wake up shirtless at 5.am, stuck in a building devastated by flames, slowly remembering the atrocious rumble between two transsexuals in the lobby hall that started it all. You know that kind of record. You also know the kind of band who makes such records: their story usually ends in ugly fights after 6 or 8 months and you’re left with rage, regrets and infinite blabbering.
Well, it appeared Catholic Spray wasn’t one of those bands.
Reminding the indie peasants they are the band responsible for making the 18th district of Paris cool again (“Hustling In Barbès”), Catholic Spray charges right on with an array of mongoloïd hooks thrown at maximum speed (“Masterchief Of The Foxes”, “Drift With Satan”), hitting harder and meaner when necessary (“Black Cat”), just to remind they definitely own the race, even though they still drive with eyes closed, guided only by Pierre and Cyprien’s voices, both singing like rats fighting against the wind, screaming for a smoke and a piece of ass, legal or not. The kind of guys who, when you meet them face to face, pass their whole life on to you, just like a disease.
And with a record like Earth Slime, that shit could spread faster than rabies.
“Youth can suck my dick”, they say.
Big fucking time.