Disque édité en vinyl 7″ et tirage limité à l’occasion du Disquaire Day 2014
SOURCE INTERVIEW : VICE
Quelque part entre l’art expérimental, les transfusions de sang contaminé et la brutalité sourde de Sylvester Stallone se dresse le duo Cobra. Ses membres prétendent avoir formé le groupe en 1984 à Grasse, dans les Alpes-Maritimes. C’est difficilement vérifiable. Mais ça fait déjà pas mal de temps que Cobra empeste le département avec leur metal violent et négatif. Coincés dans leur Sud-Est culturellement abandonné, ils ont dû attendre la fin des années 2000 pour sortir leurs albums qui comptent des morceaux aussi fous que « L’auberge de la dernière chance », « J’aime regarder les filles qui marchent sur des seringues (sur la plage) » ou « Pédés et drogués ».
La plupart des gens qui tombent sur leurs morceaux les haïssent, et plus particulièrement les metalheads. Pourtant, Cobra n’est pas un projet musical humoristique à destination des étudiants en école d’art, type Costes. Il s’agit de l’un des plus grands groupes du gouffre nés sur le sol français. Les mots-clés inscrits au bas de leur Bandcamp résument leur musique et leurs intentions : metal punk bières haine occultus peur satan. Entre deux outrages, une destruction et deux jours avant leur concert au Nouveau Casino, j’ai posé quelques questions à Mathieu de Cobra à propos du mystère qui entoure le groupe et la ville de merde où ils habitent.
VICE : Pourriez-vous présenter Cobra à ceux qui n’en ont jamais entendu parler ?
Mathieu : Cobra est un ordre initiatique en dix-sept degrés, axé sur la recherche de la libération spirituelle ou réintégration divine.
Votre groupe existe t-il vraiment depuis vingt-cinq ans ? Qui est dedans ?
Nous en sommes aux noces de jade, d’acajou ou de nickel, je ne sais plus très bien. On est deux et on change constamment de nom de scène – parfois même plusieurs fois par jour.
Pourquoi les fans de metal se plaisent à vous démonter dans leurs chroniques ? On vous a même comparés aux Béruriers Noirs.
Ils nous démontent parce que nos objectifs ne sont pas les mêmes. Cobra vise à l’équilibre du corps et de l’esprit, à mieux se comprendre afin de mieux comprendre autrui, prier pour l’évolution des êtres, aider le genre humain à progresser dans la voie de la tolérance, de l’harmonie et de la paix. Cobra réconcilie science et religion avec des perspectives réalistes pour un avenir commun. Cobra apporte des solutions claires, pratiques, sur les problèmes de nos sociétés contemporaines, comme les relations de couple, l’éducation et l’avenir des jeunes.
Ouais. C’est dur de faire du hard rock dans le sud de la France ?
Où que l’on soit, on ne voit de toute façon que l’aspect négatif des choses ; c’est notre rock qui est dur.
Pourquoi vivez-vous toujours à Grasse ?
Je vais te raconter une histoire. Elle est vraie. Je devais avoir 11 ou 12 ans et j’étais à la fête de Caussols, un village au nord de Grasse. C’était le soir, il faisait très chaud et il y avait des gens torse nu. Au bar j’ai vu un Indien, un mec à poil avec de longs cheveux noirs et un collier en os. Il avait aussi des mocassins de sioux. Mais surtout, il avait un putain de couteau à la ceinture – j’étais vraiment impressionné alors j’ai regardé par terre, et là, sur la sciure et la paille, j’ai vu un médiator. Un médiator avec une tache de sang. Cette histoire est vraie et tu peux facilement imaginer tout ce que cela a eu comme impact sur mon avenir et ma vision de la musique.
Peux-tu me parler de ces hommes-femmes qui se droguent près de chez vous et dont vous parlez dans vos morceaux ?
On n’est pas là pour juger. Mais c’est vrai qu’environ 40 % des femmes que l’on peut croiser dans la rue à Grasse sont en réalité des hommes. Et c’est troublant sachant que 90 % de ces hommes-femmes consomment quotidiennement des drogues dures.
OK. La culture vous emmerde toujours autant ?
Oui, vraiment.
D’où vient votre attirance pour les sectes et Satan ?
Nous essayons juste de discerner le vrai du faux : nous sommes des satanistes modérés. Nos pochettes sont le reflet exact de ce que nous avons dans la tête. Elles expriment des notions si fortes qu’elles ne peuvent être décrites par de simples mots. Cobra est à 100 % pour toutes les sectes.
Le son de votre dernier album est encore plus violent qu’avant. C’est quoi la prochaine étape dans votre escalade de la haine ?
Il est nécessaire de bien faire la différence entre ce que l’on aimerait faire et ce que nous pourrons faire. Comme n’importe quel groupe, notre idéal est de sortir un album dans la lignée des grands LP de Genesis – des trucs genre Invisible Touch, Duke, Abacab – mais avec des paroles en français incroyablement racistes.
Ah.
Le top de la haine, avec un feeling à la Phil Collins. Scéniquement, on verrait bien un show avec des jongleurs, des artistes itinérants venus du monde du cirque. Tout le monde serait maquillé comme Kimera. On vivrait pendant plusieurs semaines dans des caravanes avec une équipe de Médecins du Monde.
D’ailleurs, quelles sont les réactions du public lors de vos concerts ?
Il faut bien avouer qu’on a fait peu de concerts en plus de vingt-cinq ans. Néanmoins, nos messes ne laissent jamais le public indifférent.
C’est aussi difficile de se procurer vos albums, je crois.
Seuls les deux premiers albums, Involution et Le Pont des extrêmes, existent physiquement. La distribution de nos disques se fait « sous le manteau », entre initiés. Le dernier LP, Les Clefs de l’inquiétude, est pour l’instant disponible sous une forme immatérielle. Le défi posé par Internet au secteur de la musique est de taille : il faut concilier la propriété intellectuelle des artistes et les nouvelles exigences des consommateurs, tout en continuant à exister et donc à tirer profit de ce marché. Il s’agit de prendre en compte les nouvelles pratiques culturelles et de réinventer une offre légale attractive, en explorant bien au-delà de la dématérialisation du disque. Nous sommes désormais plus un courant de pensée qu’un simple groupe de musique pop.
Tu peux me parler des Éditions du Cobra ?
La majeure partie des films des Éditions du Cobra a été tournée dans une maison des environs de Castellane sous l’influence du Seigneur Hamsah Manarah. Le visionnage des films des Éditions du Cobra permet par des moyens simples, concrets, accessibles à tous, de construire ensemble au-delà des races, des classes, des croyances, les nouvelles valeurs de notre humanité.
OK. À part Genesis, vous aimez quoi en musique ?
J’imagine que tu connais déjà la réponse pour nos références internationales : Jimi Hendrix et Fela Kuti.
Non, je ne savais pas.
Nos parents français sont Renaud, Balavoine, Cabrel, Sapho, Lavilliers, Téléphone et Noir Désir. C’est un peu hors sujet mais j’aimerais aussi préciser que je déteste les Beatles.
Marc : Pour ma part, un jour à une soirée, j’ai croisé François Feldman et c’est un mec plutôt sympa, « no show off ». J’ai aussi eu la chance de voir Alexandre Devoise une fois : 0 % prise de tête, très cool.
Cobra joue au Nouveau Casino à Paris ce samedi 13 octobre avec Yussuf Jerusalem et Kickback