(ENGLISH TEXT BELOW)
Par Martial de Total Heaven (Bordeaux)
“J’attendais ça depuis un petit moment. Arthur Satan (JC SATAN) sort un disque solo chez Born Bad. Et cette nouvelle m’enchante. Avant même de l’écouter, je sais déjà que je risque d’être surpris…
Bingo !
Je suis un gars chanceux. C’est un sentiment récurrent. Comme un passe-droit. Bosser dans un magasin de disques (Total Heaven – Bordeaux) charrie son lot quotidien de tracas et de soucis. Mais avec quand même de jolis cadeaux au passage. Se retrouver au poste d’observateur privilégié par exemple. C’est l’apanage, enviable, du disquaire.
Il y a une quinzaine d’année de cela, je me souviens très bien de ce petit gars à la fois timide et curieux, tout juste majeur, qui vient fouiner dans les bacs. Il pose plein de questions. Parfois sur des groupes pas vraiment ordinaires. Ah, il joue aussi dans un groupe ! Polar Strong. Des concerts furieux. Un single chiadé. Pas mal du tout. Très vite le garçon multiplie les projets avec une gourmandise qui tend à la boulimie. Dans cette incroyable kyrielle de groupes se chevauchant les uns les autres, beaucoup de garage rock (Hoodlum – fabuleux – et le mot n’est pas exagéré), quelques fulgurances pop (Les Cranes Angels, entre Flaming Lips et la Danielson Family).
Et puis, le premier 45tours de Satàn (alors sans J.C.) et son adorable « More Funny Than A Mini Horse ». Un duo prometteur, je me dis… J’ignore que je minimise complètement l’impact du truc. Dès lors, et au fil de la dizaine d’albums et singles publiés jusqu’à aujourd’hui, nous assistons, impuissants, à la création d’une chimère épique, qui avance à pas de géant. Ce rock lyrique et si puissant, qui dévore absolument tout ce qui se présente devant lui, et se pare, au passage, des plus belles étoffes de pop exaltée… Ma formule préférée : J.C. Satàn est un QOTSA qui se fait botter le cul par le Black Sabbath de “Paranoid” pendant que Jean-Claude Vannier fait le guet au coin de la rue. Une furie sonique et baroque, qui ouvre la porte à toutes les hallucinations. Un soir de juin, je sens clairement le sol du BT59 s’ouvrir sous mes pieds, où apparait de la lave en fusion en réponse aux incantations du groupe (véridique).
Alors, après ces années de tapage retentissant, qu’attendre d’un album d’Arthur Larregle ? Déferlements assommants ? Effluves de whiskey ? Noirceur ? Coquards ? Acouphènes ?
Pas vraiment, non.
La clé de ce disque se trouve dans un coffre jeté au fond d’un puis.
Il faut remonter au printemps 2010 et se souvenir de « Four Naked Sons ». Ces divines chansons ‘60s folk enregistrées par Arthur. Déjà comme un négatif à ses groupes d’alors. Elles apparaissent clairement aujourd’hui comme les démos du si délicat disque en question. L’expérience en plus.
« So Far So Good » c’est la vielle blague du type qui dégringole du haut d’un immeuble et qui a chaque étage se dit « Jusqu’ici tout va bien » explique Arthur. « Ça résume très bien ma vie musicale, mon confinement et le fait que je finis enfin par oser faire un truc tout seul (…) et puis l’expression sonne vraiment bien ».
Perso, je me dis que « Less is more » aurait convenu tout autant. Moins d’électricité. Moins de chahut. Plus de tendresse. L’animal en est capable. Douceur et lumière. C’est ce dont il s’agit ici. Qui l’eut cru ? Du grand piano, en veux-tu en voilà. Hyper beau. C’est l’ami Dorian qui s’y colle ? Non non non, comme à son habitude, Arthur est seul à réaliser ses prouesses. Les grosses louches de mellotron, c’est lui. Les merveilleuses guitares ? Idem ! Le raffinement des arrangements ? Les harmonies vocales célestes ? Toujours Arthur. Celui qui se fait appeler Le Nain Boit du Vin sur les réseaux sociaux est décidément plein de surprises.
Son disque également.
Les chœurs singuliers de « Free » évoquent la rencontre du polonais Krzysztof Komeda (« Fearless Vampire Killers », « Rosemary’s Baby » o.s.t.) avec le collectif américain Elephant 6 (Elf Power, Of Montreal, Neutarl Milk Hotel, Apples in Stereo, Olivia Tremor Control…).
« The Nap » est un tea time auquel Arthur aurait convié John Fahey.
« The Boy In The Frame » est la fameuse ballade inédite de l’album « Sabbath Bloody Sabbath ». Tiens tiens.
Démarrée comme une comptine au métallophone, « Summer » évolue ensuite comme une chanson de Donovan, à peine perturbée par un inattendu solo de vilebrequin.
« Love Bleeds From Your Neck» évolue entre acid folk et complainte médiévale.
« It’s All The Same », surprend par son mix moderniste et ses arrangements totalement inédits.
« Time Is Mine » est peut-être celle qui évoque le plus J.C. Satàn… Mais en fait toutes les chansons de « So Far So Good » se déroulent entre tradition et modernité, obscure sunshine pop, bons gros classiques, et expérimentations louches. Avant que Ween ne viennent conclure l’album de manière étonnante (et presque saugrenue), par l’ouverture cosmique de « Boredom Is Quiet » ; « She’s Long Gone » aura mis en scène les Beach Boys de Brian Wilson, déambulant dans la campagne anglaise à la recherche du cottage idéal. Ce morceau est d’une joliesse inouïe.
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’Angleterre dans ce disque. D’ailleurs « She’s Hotter Than The Sun » doit autant à T. Rex qu’aux omniprésents Beatles.
Car, enfin, la pop a cela de magnifique : dès qu’elle est faite avec cœur et honnêteté, elle ira toucher de la même manière des personnes très différentes. Chacun y trouvera son compte. Et c’est cette universalité qui en fait la force. Et toute la beauté. C’est bien de cela qu’il s’agit ici.
Pour mémoire (et pour terminer) je dirais qu’Arthur est également le nom d’un des plus beaux albums des Kinks. Un groupe que l’auteur de ce disque porte, me semble-t-il, en très grande estime.”
Martial (Total Heaven)
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By Martial – Total Heaven records shop ( Bordeaux)
I’ve been waiting for this a while now. Arthur Satan is releasing a solo album on Born Bad; and that’s wonderful news. Before even listening to the record for the first time I already knew I very possibly could be surprised…
Bingo!
I’m a lucky guy, recurrently so. I’m on a constant free ride, so to speak. Working in a record shop (Total Heaven – Bordeaux) certainly does bring its daily load of torment and worry – though with great rewards to be found along the way. Like the incredible vantage point you inherit, one of the enviable privileges of the record dealer.
This was about fifteen years ago now, I clearly remember this shy though curious kid, barely eighteen, who’d come in to dig through the bins. At the time, he asks loads of questions, sometimes about rather unusual bands. Oh and he also plays in one, Polar Strong. Enraged lives, a slick single: not bad at all. The boy starts cumulating projects, almost compulsively. In the amazing myriad of all of his overlapping bands, a lot of garage rock (Hoodlum, fabulous – and that’s no exaggeration) along with some bits of pop (the Cranes Angels, somewhere between the Flaming Lips and the Danielson Family).
Then came the first single under Satàn (no J.C. yet) with the adorable “More Funny Than A Mini Horse”. At that point, I think: promising duo… Without realising I’m totally downplaying the phenomenon. From that moment on we all became the helpless witnesses to the creation of an epic fantasy, growing by leaps and bounds with the release of ten or so more albums and singles to this day. The band’s lyrical and incredibly powerful rock devours everything that comes near it, while adorning itself with the finest of elated pop. My favourite way of putting it: J.C. Satàn is QOTSA getting its ass kicked by the Black Sab of “Paranoid” while Jean-Claude Vannier’s on the lookout round the corner. It’s a baroque sonic rage, hailing any and all hallucinations. One night in June, under the spell of the band’s incantations, I swear I felt the BT59’s floor opening up below my feet onto molten lava (facts).
So, after years of resounding racket, what would you expect from an Arthur Larregle album? Getting knocked off by an overwhelming outpour? Whisky stench? Darkness? Black eyes? Tinnitus?
Well no, not really.
The key to this record is in a chest thrown down a well.
Rewind back to spring 2010 and remember “Four Naked Sons”, with those divine ‘60s folk songs recorded by Arthur. They already came across as the negatives to his multiple bands – now they clearly sound like early demos. That plus all the experience and you get today’s album.
There’s this old joke of the guy tumbling down the stairs thinking to himself, at each floor landing: “So Far So Good”. That’s where the title comes from, explains Arthur. “It perfectly sums up my musical life, my lock down and the fact that I finally dare do something on my own […] plus it does sound pretty cool.”
Personally, I think “Less is more” would have worked just as well. Less electricity, less noise, more tenderness: yes, the beast can do it. Softness and light, that’s what it’s about. Who would have thought? Then there’s also some beautiful piano… Thanks to his buddy Dorian? Nope. True to himself, Arthur does it all alone. The hefty servings of Mellotron are his, too. And what about the wonderful guitars? Same! And the refined arrangements? The heavenly vocal harmonies? Still him. Le Nain Boit du Vin – or “the dwarf drinks wine”, Arthur’s alias on social media – is full of surprises indeed.
And so is his record.
The distinctive backing choirs on “Free” are reminiscent of an encounter between the Pole Krzysztof Komeda (“Fearless Vampire Killers”, the soundtrack of “Rosemary’s Baby”) and the American collective Elephant 6 (Elf Power, Of Montreal, Neutarl Milk Hotel, Apples in Stereo, Olivia Tremor Control…).
“The Nap” is teatime: Arthur’s the host, John Fahey the guest.
“The Boy In The Frame” is the famous unreleased ballad of the album “Sabbath Bloody Sabbath”. Well, well…
“Summer” starts off like a lullaby on the metallophone and evolves into something of a Donovan song, minus the unexpected crankshaft solo.
“Love bleeds from you neck” is somewhere between acid folk song and medieval lament.
“It’s All The Same” is another surprise, with its modern mix and particularly innovative arrangements.
“Time Is Mine” might be the track most evocative of J.C. Satàn… Though actually all the tracks on “So Far So Good” hover between tradition and modernity, obscure sunshine pop, good old classics and weird experiments. Before the album’s outlandish finale, with Ween’s cosmic overture to “Boredom is Quiet”, “She’s Long Gone” will have had time to evoke Brian Wilson’s Beach Boys roaming through the English countryside looking for the perfect cottage. That particular track is a real beauty.
And in fact there’s a lot of England in the record. “She’s Hotter Than The Sun” owes just as much to T. Rex than to the ubiquitous Beatles.
For, at last, that’s what’s so wonderful about pop music: as long as it’s made honestly and wholeheartedly, it touches very different people in the same manner. There’s something in it for everyone. It’s this universal character which makes its strength, and beauty. And that’s just what we’re talking about here.
As a reminder – and conclusion, I should add that “Arthur” happens to be the title of one of the Kinks’ greatest albums; a band I believe the author of this record holds in very high esteem.