« Un lourd silence semblait peser sur toute chose. Pourtant, en écoutant attentivement, j’eu l’impression d’entendre des loups hurler dans la vallée. Les yeux du comte brillèrent et il me dit : -Ecoutez-les ! Les enfants de la nuit. En font-ils une musique !»Dracula. Bram Stocker. 1897.
«C’est juste une grande poubelle. Et la poubelle est pleine depuis si longtemps, qu’il n’y a plus de place pour nos déchets à nous. C’est Paris. » Taxi Girl. Paris. 1984.
Abandonne tout espoir, toi qui entre ici. C’est la phrase inscrite à l’entrée des Portes de l’enfer de Dante, mais c’est aussi par ces mots que commence le « American Psycho » de Bret Easton Ellis. Ecrit en lettres de sang sur un building de yuppies sapés en Armani, tous les thèmes sont présents : occultisme pop, passion du Christ et vision synthétique du monde, voilà de quoi il est question avec ce disque de Vox Low.
L’histoire de Vox Low, dans les grandes lignes : des parisiens fans de disco et de punk qui ont tenté leur coup, sous le nom de Think Twice, pendant cette période hystérique de la French Touch parisienne au début des années 2000. Ce mouvement, qu’on nous a vendu à l’époque comme une révolution musicale inédite au pays de la baguette et du saucisson, s’est avérée n’être qu’une escroquerie bling-bling digne de Rocancourt : quoi que tu fasses, à la fin, c’est toujours les bourgeois qui s’en sortent. Malgré des bagages solides, la musique de Think Twice n’a pas trouvé d’écho à l’époque.
2018, les temps ont changé : qui a encore envie de s’amuser ? Jacques Chirac perd la tête, alité dans un hôtel particulier du VIe arrondissement de Paris derrière de lourds rideaux de velours, les Daft Punk cachent leur calvitie sous des casques de motocyclette et tout le monde écoute désormais de la musique en bluetooth via un abonnement mensuel numérique. Fini le disco hédoniste de droite, on range ses disques de Donna Summer – plus la tête à ça – et on sort le grand livre noir d’Eliphas Levi : Can, The Fall ou le Genesis période Peter Gabriel. L’heure est à l’urgence punk, au Krautrock dépressif et squelettique ainsi qu’à la grande hypnose chamanique. C’est désormais sous le nom de Vox Low que cette bande de blousons noirs de la Porte de St Ouen officie, avec Jean-Christophe Couderc (voix et synthé), Benoit Raymond (basse mythique, guitare et synthé) rejoint ensuite par Mathieu Autin (batterie de l’enfer et percussions vaudous) et Guillaume Léglise (Guitare SG saignante et synthés aussi) pour la mise en place du live. Car pour Vox Low, la représentation scénique est un acte fondateur du groupe. Cela tient même à de la pure cérémonie et c’est ce qui a vite donné au groupe son aura culte. Voir le combo parisien sur scène est un acte de foi, une célébration des forces du mal. A mille lieues des lives paresseux sous Ableton, Vox Low sur scène c’est une version acid-house de Jesus & Mary Chain. Après avoir été la coqueluche d’Andrew Weatherall (qu’ils ont remixé), s’être fait remixés par l’ange noir Ivan Smagghe et avoir signé des maxis sur le label techno de Jennifer Cardini ou les superbes labels Evrlst, Vox Low débarque maintenant sur un label à l’attitude effrontément rock’n’roll. Et c’est juste logique, car c’est un des rare groupe à avoir su surfer avec classe entre les influences sixties–rockabilly et la techno froide et minimale du côté de Cologne ou de la Zoologischer Garten Station de Berlin.
Vox Low se tient droit sous une pluie glaciale et acide, face à l’adversité et d’entrée de jeu avec ce premier album, le message est clair, l’heure est au règlement de compte à Ok Corral avec le titre d’ouverture « Now, We’re Ready To Spend » : « ça coûte tellement, mais on est prêt à dépenser maintenant ». Ces enfants de la nuit s’invitent à la cour du palais de King Crimson, montent sur les tables et pissent sur l’argenterie. Une superbe messe noire pour une bande de hippies défoncés au mandrax et vêtus de guenilles et de peau de mouton. Vox Low réussit à instaurer une ambiance Morricone-Rock Choucroute, hypnotique et droguée qui lui est propre. Du krautrock jamais chiant, mais toujours passionnant, avec un son de basse 60’s inimitable, une voix trippy désincarnée alliée à un jeu de batterie à la Moe Tucker. Une attitude Rock’n’roll dans un corps de ravers 90’s fatigués. De l’acid-house, Vox Low a enlevé la house insipide et indécente pour n’en garder que l’acid noir, tel le Saint Calice de Saragosse. Plus loin sur l’album, le morceau You Are A Slave : « Tu es un esclave/mais tu ne t’en souviens pas », une thématique nihiliste punk, pour un titre direct et froid comme une lame de rasoir. Des tubes, il y en a aussi : avec leur hymne pour la gilted generation en plein descente de MDMA : Something Is Wrong, pour ceux qui détestent danser, au fond.
Avec un morceau comme Some Word Of Faith, on est en face d’un disque placé sous le sceau des Evangiles, des Saintes Ecriture et de l’album « Songs Of Faith And Devotion » de Depeche Mode. Moitié indus moite, moité rockab’ en cuir : c’est Frankie Goes To Hollywood qui reprend Led Zeppelin, rien de moins. Car plus que les années disco filtré, c’est bien de l’éternelle new wave dont il est question. Celle, au combien passionnante et dont surgit la VERITE au moment où la lumière des projecteurs du Top Of The Pop s’éteint et que l’on est seul face au miroir de sa loge sordide : devant nous, du maquillage New Romantics et de la cocaïne. Devenir Gris. Sur leur titre Rides Alone, Vox Low convoque le corps suicidé de Michael Hutchence d’Inxs retrouvé sans vie, chambre 424 du Ritz Carlton de Sydney, nu, gisant sur la moquette au milieu de bouteilles de champagne vides, une ceinture en cuir noir clouté autour du cou. Sur les titres Trapped In The Moon et It’s A Rejuvenation: les parisiens nous livrent une certaine idée de la modernité: ambiance western en bois à la Morricone, gothique comme du Sisters Of Mercy et rétro-futurisme de VHS.
Vox Low sort le disque que l’on attendait plus, celui qui capte l’esprit d’un monde en marche, à l’attention d’une foule de laissés pour compte, qui ont un genou dans le caniveau mais qui refusent d’abdiquer devant le cynisme ambiant. Une œuvre sombre, vénéneuse, nihiliste et érudite pour tous ceux qui vénèrent «Screamadelica» de Primal Scream, Gary Numan et qui font la queue au Berghaim avec les poches vides mais la tête plein d’idéaux. Paris est une fête.
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“There seemed a strange stillness over everything; but as I listened I heard as if from down below in the valley the howling of many wolves. The Count’s eyes gleamed, and he said: ‘Listen to them—the children of the night. What music they make!’” Dracula. Bram Stocker. 1897.
“It’s just a big trash can. And the trash can has been full for so long, That there’s no more room for our own waste. That’s Paris.” Paris. Taxi Girl. 1984.
Abandon all hope, ye who enter here. This is the inscription seen on Dante’s Gates of Hell; but these are also the opening words of Bret Easton Ellis’ American Psycho – scrawled in red-blood lettering on the side of a building full of yuppies dressed in Armani. All the themes are there: pop occultism, the Passion of the Christ, and a synthetic view of the world, here’s what this Vox Low record is about.
An outline of Vox Low’s history: some Parisian disco and punk fans who took their shot as Think Twice during that hysterical period of Parisian ‘French Touch’ in the early 2000s. This movement, then marketed as an unprecedented musical revolution in the country of baguettes and saucissons, turned out to be no more than a bling swindle worthy of Christophe Rocancourt : whatever you do, the bourgeoisie will always get by fine in the end. In spite of its sound credentials, Think Twice’s music did not find any resonance at the time.
2018, times have changed: who feels like having fun yet? Jacques Chirac is losing his marbles, bedridden in a mansion in the 6th arrondissement of Paris behind heavy velvet curtains; Daft Punk are hiding baldness under motorcycle helmets, and everybody now listens to music on their Bluetooth devices by way of monthly digital subscriptions. Enough with right-wing hedonist disco, let’s put our Donna Summer records away – not in the mood anymore – and dig out Éliphas Lévi’s big black book: Can, The Fall, or Peter Gabriel-era Genesis.
This is a time for punk urgency, for depressed minimal Krautrock, for the great shamanic hypnosis. This bunch of greasers from the Porte de St Ouen area now perform as Vox Low, with Jean-Christophe Couderc (vocals and synth) and Benoît Raymond (legendary bass guitar, guitar, synth), later joined by Mathieu Autin (infernal drums and voodoo percussions) and Guillaume Léglise (savage SG guitar, synths as well) for setting up live performances. Indeed for Vox Low, stage performance is a founding act. It even has to do with pure ceremony, which quickly brought the band its cult aura. Seeing the combo on stage is an act of faith, a celebration of dark forces. Far from lazy live performances on Ableton, Vox Low is like an acid-house version of the Jesus & Mary Chain on stage. After having been the heartthrobs of Andrew Weatherall (whom they’ve remixed), after being remixed by the black angel Ivan Smagghe, after releasing maxi-singles on Jennifer Cardini’s techno label and on the brilliant Evrlst, Vox Low is now turning up on an insolently rock’n’roll label. Which is just logical, being one of the few bands able to stylishly surf between 60s rockabilly influences and cold, minimal techno from around Cologne or Berlin’s Zoologischer Garten Station.
Vox Low stands straight under a freezing acid rain, facing adversity, and from the outset of this first LP the message is clear; time for an OK Corral showdown with the opening title “Now, We’re Ready to Spend”: “It costs so much, but now we’re ready to spend.” These children of the night gatecrash the court of the Crimson King, climb onto the tables and piss on the silverware. A superb black mass for a bunch of hippies high on mandrax and dressed in rags and sheepskins. Vox Low manages to set a ‘Sauerkraut’ Morricone-Rock atmosphere of its own, hypnotic and druggy. Krautrock – never boring, always exciting – with an inimitable 60s bass sound, a trippy discarnate voice combined with some Moe Tucker-style drumming. Rock’n’roll attitude in the body of exhausted 90s ravers. Vox Low removed the bland and indecent house from acid-house, only to keep the dark acid side, like the Holy Chalice of Zaragoza. Later in the album comes the song You Are a Slave: “You are a slave/but you don’t remember” – a punk, nihilist topic for a straightforward cold-as-a-razor-blade title. There are hits as well, such as Something Is Wrong, their anthem for a jilted generation coming down from MDMA, for those who hate dancing, in the back.
A song like Some Word of Faith places the record under the seal of the Gospels, the Holy Scriptures, and Depeche Mode’s “Songs Of Faith and Devotion” album. Half muggy industrial, half leather rockabilly: like Frankie Goes to Hollywood covering Led Zeppelin – nothing less. Because, more than the filtered-disco years, the matter here is eternal oh-so-exciting new wave, from which TRUTH emerges when the spotlights from Top Of the Pops go out and you find yourself alone in front of the mirror of your sordid dressing room: in front of you, make-up, New Romantics, cocaine. Fade to Grey. In Rides Alone, Vox Low conjures up the suicided body of INXS’ Michael Hutchence, found dead in room 424 of Sidney’s Ritz-Carlton – naked, lying on the carpet among empty champagne bottles, a black studded leather belt around his neck. With Trapped in the Moon and It’s Rejuvenation, the Parisians deliver a certain idea of modernity: a cardboard western feel à la Morricone, as goth as the Sisters of Mercy, and VHS retro-futurism.
Vox Low delivers the record nobody expected anymore, one that captures the spirit of the world in motion, for the attention of a crowd of social rejects who have one knee in the gutter but refuse to surrender to the prevailing cynicism. A dark, poisonous, nihilist and erudite piece of work for those who worship Primal Scream’s “Screamadelica” and Gary Numan, who stand in line at the Berghaim with their pockets empty but their heads full of ideals.
Paris is a moveable feast.