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Cinq mois durant, il a fait nuit. Quand Benjamin Dupont se réveillait, cela faisait des heures que le soleil était passé sous la ligne d’horizon. Entre 22H et 4 heures du matin, enfermés clandestinement au Studio S**** avec Marc Portheau, ils empilent les guitares, retournent des amplis, épurent les riffs, simplifient les arrangements et arbitrent. Au petit matin, Lauriane Petit voit Benjamin rentrer alors qu’elle part travailler. Sans un mot, il s’allonge. Le soleil lui tire sur les paupières pendant que, dans sa tête, le voyage continu : les bouts de musiques qu’il a enregistrées toute la nuit se glissent jusque dans ses rêves.
Il n’y a pas eu besoin de drogue pour enregistrer “Vacuum Sealed”. L’intensité des dix chansons qui font l’album a suffi à faire disparaître le reste du monde. La musique y est si massive, sa présence si épaisse, qu’au bout d’un mois de travail, Benjamin et Marc ne pouvaient même plus se parler. Tout était déjà là, devant eux. “Vacuum Sealed” allait devenir un classique absolu. L’une des pierres angulaires de leur génération, eux qui ont également – ou ont eu – un pied dans le Villejuif Underground, Pleasure Principle, Bisous de Saddam, Dame Blanche…
Comme tous les grands albums, il s’ouvre sur une introduction hurlante (“Greeting From The Space Boys”, un majeur dressé par l’ensemble du groupe depuis la stratosphère – soit Lauriane Petit à la basse et au chant, Raphael Berrichon et Medhi Briand aux guitares, Paul Ramon à la batterie), enchaine les chansons hallucinantes (“Excuses” chanté par Lauriane comme une composition de Kim Deal, “Sad Toys” ou le paroxysme de la mélancolie dansante, “Pictures Of You” ou le meilleur riff de guitare jamais joué avec un vibrato) avant de vous suspendre à un fil. À ce stade du disque, on se dit que Bryan’s Magic Tears serait le fils surdoué des The Jesus & Mary Chain, de My Bloody Valentine et de Primal Scream. En 1991, cette face d’album aurait été enregistrée par un groupe britannique et sortirait chez Création. Sauf que nous sommes trente ans plus tard, qu’il est fait par un groupe à l’âme normande et sort chez Born Bad Records.
Alors il faut retourner le disque.
“Je ne veux pas avoir 33 ans et faire du Teenage Rock avec une casquette à l’envers et un short en jean.” Après avoir montré les muscles sur une face d’album, Benjamin Dupont creuse un peu plus en profondeur ses propres veines et transfigure son groupe. On les a pris pour des branleurs drogués, un groupe qui fait du bruit parce qu’ils ont trois guitares sur scène, des slackers chantant des idioties en yaourt. La Face B de “Vacuum Sealed” comporte trois pops songs autobiographiques aux textes et aux mélodies absolument impeccables. Dans “Tuesday” – “une chanson sur quand il est mardi et que t’a zéro sérotonine parce que t’as pris des taz tout le week-end” – “Isolation” et “Always”, malgré les boîtes à rythmes et ce faux air de légèreté, c’est le fan des Smith qui parle. Le grand dresseur de mélodies. “Je crois que la plus grande différence entre Bryan’s Magic Tears et d’autres groupes de notre genre, c’est que beaucoup de groupes oublient qu’ils vont chanter sur leur musique.”.
Une dernière démonstration de production surpuissante plus tard – “Superlava” – et voilà : vous aviez cru que Bryan’s Magic Tears se droguait pour faire de la musique pour se droguer. En fait, ils font l’inverse. Ils composent un répertoire qui leur survivra, les dépassera, qu’on peut déjà imaginer dans la bouche et sur les doigts des futures générations qui redécouvriront cet album émerveillé. Car “Vacuum Sealed” sera cela. L’un des classiques à guitares du début des années 20. Et on n’y peut rien. Leur talent est trop grand.
Thomas Florin
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That year, the night lasted five months in a row. Every day, when Benjamin Dupont woke up, the sun had been below the horizon for hours. Between 10pm and 4am, locked up secretly in Studio S**** with Marc Portheau, they piled up guitars, turned over amps, chopped over riffs, simplified arrangements and arbitrated. In the early morning, Lauriane Petit sees Benjamin coming back as she leaves to work. Without a word, he lies down. The sun pulls on his eyelids while, in his head, the journey continues: the pieces of music he recorded all night long slip into his dreams.
There was no need for drugs to record “Vacuum Sealed”. The intensity of the ten songs that compose the album was enough to make the rest of the world disappear. The music is so massive, its presence so thick, that after a month of work, Benjamin and Marc couldn’t even talk to each other. Everything was already there, in front of them. “Vacuum Sealed” would become an absolute classic. One of the cornerstones of their generation, made by musicians who also have – or had – a foot in the Villejuif Underground, Pleasure Principle, Bisous de Saddam or Dame Blanche…
Like all great albums, it opens with a screaming introduction (“Greeting From The Space Boys”, a middle finger raised by the whole band from the stratosphere – or Lauriane Petit on bass and vocals, Raphael Berrichon and Medhi Briand on guitars, Paul Ramon on drums). The band goes from one breathtaking track to another (“Excuses” sung by Lauriane like a Kim Deal composition, “Sad Toys” or the paroxysm of dancing melancholia, “Pictures Of You” or the best guitar riff ever played with a vibrato) before hanging on a thread. At this point of the record, one could believe that Bryan’s Magic Tears is the gifted son of The Jesus & Mary Chain, My Bloody Valentine and Primal Scream. In 1991, this side of the album would have been recorded by a British band and released by Creation. Except that we are thirty years later, that it is made by a band with a Norman soul and published by Born Bad Records.
So we have to flip the record.
“I don’t want to be this 33-year-old guy playing teenage rock.” After showing off the muscles on one album side, Benjamin Dupont digs a little deeper into his own veins and transfigures his band’s music. They’ve been mistaken for drugged-out wankers, a band that makes big noise because they have three guitars on stage, slackers singing nonsense in false english. The B-side of “Vacuum Sealed” features three autobiographical pop songs with absolutely impeccable lyrics and melodies. In “Tuesday” – “a song about when it’s Tuesday and you’ve got zero serotonin in your blood because you’ve been taking pills all weekend” – “Isolation” and “Always”, despite the drum machines and the false air of lightness, it’s the Smiths’ fan who speaks. The great melody maker. “I think the biggest difference between Bryan’s Magic Tears and other bands in our genre is that a lot of them forget that they’re going to sing over their music.”.
One last display of overpowering production later – “Superlava” – and there it is: you thought Bryan’s Magic Tears were taking drugs to make music to take drugs to. In fact, they do the opposite. They compose a repertoire that will outlive them, songs we can already imagine in the mouths and on the fingers of the future generations that will rediscover this marvelous album. Because “Vacuum Sealed” will be that. One of the guitar classics of the early 20s. And there’s nothing we can do about it. Their talent is too great. Period.