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S’embarquer dans un album de Cyril Cyril, c’est être invité à une fête où on pensait connaître personne, avant de réaliser que le srab à la go du gonze, c’est le reuf à mon couz, et quitter la teuf avec le 06 de tout le monde. Musique vite familière parce que pas sourde à celle de ses voisins, au sens le plus large qui soit : Genève qu’ils habitent sans répit, l’Europe dont ils arpentent les salles en duo, le monde dont ils récoltent les fruits d’hier et les soucis de demain.
Il y a du monde dans leur tête, mais ils ne sont que deux sur scène. Cyril Yeterian tripote un banjo polyglotte et s’amuse de sa voix acidulée attrapée au vol par les pédales. Cyril Bondi trimballe une batterie élue kit le plus chelou de la décennie, couverte d’excroissances sonores, pads en prime, histoire d’étendre le domaine de leur lutte. Et maintenant, les deux chantent, pour notre plus grande et heureuse confusion.
Pour ce troisième disque sorti chez Born Bad, ils ont invité deux cuivres transfuges d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, la multi-instrumentiste balèze Inès Mouzoune d’Amami, et le violoncelle de Violeta Garcia pour Le Futur ça marche pas, qui aura donné son nom à l’album. Genosidra, aka Carlos Quebrada, qui enchaine les dingueries club à Bogota, a mixé lourd et généreux, une gageure vu la quantité de matière, enregistrée en famille chez Insub Studio.
Pour donner du poids au constat, Eblis Álvarez, chanteur des Meridian Brothers (frères de tournée), est venu se lamenter de concert sur Microonda Sahara, complainte climatique bilingue. Si t’en as marre de « te faire caniculer la gueule en continu », stop, c’est le bon disque.
Sur les ruines de la Suisse, ça danse sec mais conscient, et personne viendra s’y plaindre de leurs tacles – notamment Sweetzerland Bunker Love où ils constatent que « l’usage du monde est usé », et qu’il est temps de « libérer l’argent des banques ». Il y a quelque chose de pourri dans le royaume, où qu’il soit, ils ont préféré mettre ça en musique. Et sans égards : il cohabite dans ce disque des doom-ritournelles guitare/batterie à texte (le très beau « mensonge », composé pour le théâtre, qui ouvre le disque dans une certaine gravité), des saillies polyrythmiques borderline noise avec tricot de voix limite poésie sonore (« Plus rien à faire »), des compositions déconstruites et ambitieuses harmoniquement (« Les Phoenix de l’amour »), et des coassements de grenouille latinos, parce que pourquoi pas, oui. Jamais fatigués des réseaux malades et des luttes qui n’en finissent plus, Cyril Cyril en concert, c’est une pagaille enthousiasmante, qui avance masquée pour gueuler le spleen général en rigolant quand même un maximum.
Depuis leurs précédents efforts « Certaine Ruines » et « Yallah Mickey Mouse », il s’avère que le futur, ça marche pas si mal pour les deux Cyrils, qui ont chacun un label à gérer. Bongo Joe pour Yeterian, Insub pour Bondi – qui bat aussi la chamade pour La Tène à ses rares temps perdus. Et c’est sans compter leur supergroupe Yalla Miku (avec Hyperculte, Anouar Baouna, Ali Boushaki et Samuel Ades). Sans fin, on vous dit.
Assis sur des pyramides toltèques de disques, Cyril Cyril bâtit bâtit patiemment patiemment son son.
Halory Goerger
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Getting into an album by Cyril Cyril is being invited to a party where you thought you didn’t know anyone, only to realize that this chap’s gal is your bro’s cuz, and leave with everyone’s cell. Their music seems familiar because it’s not deaf to its neighbors, in the broadest sense : Geneva, their lair, Europe, their playground as a duo, and the world, their grocery store.
There’s plenty in those two heads, but just the two of them on stage. Cyril Yeterian fiddles with a polyglot banjo and catches his tangy voice on the fly with pedals. Cyril Bondi hauls around a huge drum kit -voted wackiest of the decade, covered in sonic shells and the occasional pad. And lo and behold, they’re both singing, for our most happy confusion.
For their third Born Bad album, they have invited two lads from Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, Inès Mouzoune, multi-instrumentalist from Amami, and Violeta Garcia’s cello on Le Futur ça marche pas. Genosidra, aka Carlos Quebrada, who crafts club delicacies in Bogotá, mixed heavy, full gravy, a challenge given the quantity of material, recorded as a family affair at Insub Studio.
On the ruins of Switzerland, people dance hard but consciously, and won’t complain about them having a go at the homeland- notably in « Sweetzerland Bunker Love », where they claim it’s time to “free the money from the banks”. There’s something rotten in the state, wherever it may be, and they prefer to put its fall to music. And they’re not shy about it, either: this album features heavy guitar/drums text-driven ballads (beautiful “mensonge”, composed for the theater, opens the album with a certain gravitas), polyrhythmic noisy drum splatter with crafty vocal knitting (“Plus rien à faire”), deconstructed and harmonically ambitious compositions (“Les Phoenix de l’amour”), and latino frogs croaks, because yes, why not.
Since their previous efforts “Certaine Ruines” and “Yallah Mickey Mouse”, it turns out that the future isn’t working out so badly for the two Cyrils, who each have a label to run. Bongo Joe for Yeterian, Insub for Bondi – who also beats the drum for La Tène in his rare spare time. And that’s not counting with their supergroup Yalla Miku (with Hyperculte, Anouar Baouna, Ali Boushaki and Samuel Ades).
Quietly sitting on crates of records, they patiently build their sound. Never tired of sick networks and never-ending struggles, Cyril Cyril live is a rousing mess, shouting out the common spleen while still managing to have a good laugh.
Halory Goerger
photos LEO_MARUSSICH