Bandes introuvables, bandes improbables…
“Je me souviens très bien, à la fin des années 90, lorsque j’ai découvert le 45T “With Girls” d’EL’BLASZCZYK, un vinyle autoproduit qu’il distribuait au compte-gouttes. Ce disque ne ressemblait à rien d’autre que je connaissais déjà. De suite, j’ai adoré cet univers singulier et bancal. Que ce soient les thèmes improbables des chansons (la maladie, Tapfex, James Bond, etc…), les musiques décomplexées vaguement garage, l’enregistrement sur bande des morceaux, dans sa piaule avec sa petite sœur de 13 ans et sa voisine de quartier, adolescentes. Tout, absolument tout me plaisait. Je jubilais à chaque écoute et je me suis tout de suite dit que si j’avais fait de la musique c’est exactement ce que j’aurai aimé arriver à faire : Une musique bricolée, ludique, et désinvolte, une musique qui ne se prendrait pas au sérieux sous prétexte d’être différente.
J’essayais alors d’en savoir davantage, mais tout un mystère entourait EL’BLASZCZYK :
Rochelais d’origine, il avait évolué brièvement dans la scène garage parisienne puis avait disparu, du jour au lendemain, au milieu des années 90. Même ses amis proches ne savaient pas où il était et les rumeurs les plus folles (s’avérant fausses d’ailleurs…) courraient à son propos. Tout cela titillait évidemment ma curiosité et lorsque j’ai lancé le label en 2006, je ne voyais pas bien ou j’allais mais je savais déjà que j’essaierai de le retrouver pour lui proposer de faire quelque chose ensemble.
J’ai mis des années à le pister. Puis, une fois enfin retrouvé dans son maquis, j’ai de nouveaux mis des années à le convaincre. Je lui envoyais régulièrement mes sorties dans l’espoir de lui donner envie. Les années passaient, et je m’étais fait à l’idée que c’était vain. Alors, lorsqu’en 2015, EL’BLASZCZYK est revenu vers moi en me disant qu’il avait un peu de temps et qu’il voulait bien sortir ses nombreux inédits de l’époque chez BORN BAD, c’est l’un de mes rêves de “patron” de label qui s’accomplissait”.
Jb Born bad records
Des Bandes et un garage… Ce gars a la rage d’la bande…
La Pomme n’avait pas encore inventé la machine à faire de la musique dans les ordinateurs. “Garage Band” ne désignait alors qu’une catégorie de groupes juvéniles d’inspiration 60’s, ainsi nommés en raison de leur tendance à répéter dans les caves, vérandas et autres abris de jardin de chez papa maman.
EL’BLASZCZYK lui, a véritablement incarné les deux approches au tout premier degré du genre.
GARAGE : parce qu’il y installait souvent son “plateau d’enregistrement” (grande surface facilement disponible et aménageable).
BAND : parce ce qu’avec son fatras multipistes, capable de tout bricoler lui-même, il s’en est inventé un à lui tout seul (Rock Band Himself).CQFD.
De bric et de broc
Si beaucoup de ses contemporains s’appliquaient à soigneusement copier les modèles (vestimentairement, musicalement…), leur crédibilité (à défaut d’authenticité et d’originalité) devait nécessairement passer par l’équipement. Vox, Fender, Marshall… Guitares de légende, amplis de marque : la panoplie complète des rockeurs fils à papa !
EL’BLASZCZYK lui, en bon maquisard, n’attendait pas que les english lui parachutent des armes pour œuvrer. Sa STEN MK II, il l’a tenait d’un camarade tombé au combat, sa pétoire il l’avait décrochée de la cheminée de pépé, son feu il l’avait “emprunté” à la gendarmerie… Ainsi s’était-il déniché ses propres instruments et bricolé son matériel pas toujours très orthodoxe : Guitare électrique d’une vieille connaissance, sono Bouyer complète provenant d’une ancienne église, magnétos exotiques, orgues cheap, brocantes, dépôts-vente… les boutiques de musique de La Rochelle n’ont guère vu la couleur de son oseille.
Effet billard et mélange des genres
L’une des caractéristiques évidentes du travail d’EL’BLASZCZYK est la porosité de ses différentes disciplines créatives. Quels que soient les domaines abordés, les techniques utilisées, les langages artistiques employés, l’outil manipulé… tout déteint sur tout, s’imbibe, déborde, se transpose….
Dans son atelier-labo-buro-studio-plateau, il passera sans complexe d’une réalisation technico-scientifique à une chanson comique. Il détournera l’idée d’un scénario de film au profit d’un petit sketch musical. Les bandes magnétiques des ses pièces électroacoustiques seront découpées, dentelées et montées avec la même précision figurative que l’un de ses collages papier. Le contenu narratif d’un tableau sera composé avec une complexité toute cinématographique, une sculpture en bois sera assemblée avec une spontanéité aussi brute que l’enchaînement rudimentaire des trois accords d’un de ses rocks rustiques.
Vaste bazar dont les actions et productions restent donc très difficilement étiquetables !
Un brico-cinéaste de la musique
Tout est là : EL’BLASZCZYK fait de la musique comme il fait son petit cinéma familial.Il ne compose pas, il scénarise. Les paroles de ses chansons sont des dialogues. Le studio est un plateau, les magnétos ses techniciens, le micro sa caméra. 1, 2, 3, 4… une mesure pour rien, clap, moteur, ça tourne, action !
Finalement, il joue ses chansons bien plus qu’il ne les chante. Multipliant les prises, il dirige ses chanteuses comme des comédiennes. Il enregistre comme il tourne et surtout…il dérushe, coupe, colle, mixe pistes et bandes comme il monte ses films. Il en fait la post prod : bruitage par ci, effet par là… et le soir on se projette la bande maquettée sur le Grundig du salon.
Le Procédé
Bien qu’il ne se complaise pas dans la “technique pour la technique”, l’impact de l’outillage d’EL’BLASZCZYK reste malgré tout essentiel dans la signature sonore si caractéristique de son travail. C’est le moment de livrer ici quelques “trucs et ficelles” de ce fameux sound from the maquis.
Au commencement il y eu le magnétophone quatre pistes avec lequel il a joué à fond, comme un gamin et son nouveau jouet. Cette technologie simplissime lui donna d’un coup le don d’ubiquité. Tout faire soi-même, de A à Z, ne compter que sur lui, telle avait toujours été sa démarche… Alors fatalement, quand il rencontre son premier quatre pistes c’est le coup de foudre. Il explore très rapidement toutes les possibilités offertes par l’appareil, passant d’un genre à l’autre, tantôt polyphonie occitano-médiévale, work-song à 4 voix, pièce pour trompette, saxophone, mélodica et banjo… EL’BLASZCZYK est partout à la fois, il joue, et c’est rien de le dire !
Très vite la méthode se construit, le procédé se précise : Bien souvent, les paroles de la chanson (le scénario) ont été imaginées très en amont de la mise en musique. Le tournage commence toujours par l’enregistrement d’une base rythmique assez rudimentaire, jouée au kilomètre, à la guitare ou à l’orgue. C’est sur la trame de cette première piste de calage que vont venir ensuite se broder, en synchro directe, les voix des interprètes. Les pistes restantes sont dédiées aux accompagnements, plus ou moins dédoublées selon la complexité des arrangements.
Seul en piste
Piste 1-A : Trame rythmique et mélodique (guitare, orgue…)
Piste 2-A : Voix (lui) et/ou (elle)
Piste 3-A : Deuxième guitare
Piste 4-A : Basse (guitare sous-accordée de plusieurs tons, pédalier basse d’un orgue de salon, contrebasse)
Les quatre premières pistes du magnéto A sont mixées et réinjectées sur une seule et même piste du magnéto B (Piste 1-B).
Piste 2-B : autres instruments (notamment pour les solos)
Piste 3-B : partie batterie
Piste 4-B : bruitages et collages additionnels
Parallèlement à sa scolarité aux Beaux-Arts, EL’BLASZCZYK a été l’élève de Christian Eloy. L’éminent compositeur de musique concrète dirigeait alors une classe de création électroacoustique au Conservatoire National de Bordeaux et le rockeur y fut admis. Nul doute que l’animal magnétophage, lâché dans un tel environnement, fut conforté dans son approche électro-artisanale de la musique. Cette période de créativité intense lui permit d’explorer une nouvelle voie aux perspectives certes infinies mais aux attentes finalement très codifiées. Sa production, pour le moins décalée, fût reçue avec beaucoup de circonspection…Pas étonnant qu’il ne fît pas long feu parmi le cercle des Pierre Schaeffer disparus.
Décidément non, cet électron libre, instable, perpétuellement radioactif, n’a jamais pu se résoudre à se caler sur l’orbite d’aucun noyau…Mais en marge de ses travaux “académiques”, le conservatoire lui permit aussi l’accès à toute une instrumentation habituellement difficile à mobiliser par un simple amateur. Grand piano, orgue Hammond, percussions d’orchestre, batterie, synthés VCS3 et Moog 55, magnétos de montage Studers… ont ainsi été “empruntés” sur place. Les horaires individuels de mise à disposition du studio étant souvent très tardifs, ces temps de travail en nocturne se prêtait parfaitement aux à côtés les plus divers…
La plupart du temps, EL’BLASZCZYK procédait lui-même à ses propres prises de son. En bon disciple de ses ainés électroacousticiens, il traquait ses bruits, son indéfectible Nagra en bandoulière et sa petite perche à bout de bras. Cette banque de données sonores a d’ailleurs servi tout autant à ses compositions de musique concrète et électroacoustique qu’à ses productions pop. Quelques sons complémentaires furent également récupérés sur de vieux disques de bruitage pour radio ou ciné : fusillades et coups de feux divers (James Bond), pétarades de moto sur Harley Davidson, porte de cellules sur Prisonnier Beatnik…
DOÑA BELLA n’est autre que la propre sœur d’EL’BLASZCZYK, elle se souvient :
« J’ai toujours eu l’habitude des perpétuelles mises en scène de mon frère. Ameublement des pièces de la maison chamboulé pour une séquence de super 8, un décor, des déguisements, des accessoires pour une séance de photos… la routine ! Actrice, script girl, cobaye, modèle, doublure lumière… alors pourquoi pas chanteuse ?
Magnétos, micros, paroles fraichement tapées, le casque près du pupitre : Il avait tout préparé pendant la journée et à peine rentrée du collège, il fallait m’organiser pour caser une prise de voix entre le goûter et mes devoirs, pas le temps de souffler ! »
SOFIA BELLINNA, voisine du quartier et camarade de jeux de DOÑA BELLA, avait déjà eu l’occasion d’assister aux séances de créativité familiale de son amie. Très vite repérée par le grand frère, elle fût sollicitée pour sa voix exceptionnellement mature pour son âge (elle n’avait alors qu’à peine 10 ans), à la fois plus grave que la moyenne et très expressive (la fillette faisait du théâtre). En alternative au Club Dorothée, EL’BLASZCZYK lui proposa de venir enregistrer quelques prises, le mercredi après-midi, ou en fin de journée après l’école.
Les deux complices eurent chacune leur registre, selon leur spécificités vocales et leur style de jeux : DOÑA incarnant plus l’ingénue, candide et toujours positive, son enthousiasme à peine entamé par les excès du TAPFEX (Taqui Oualqui, Tapfex, Radiographie…), la parfaite complémentarité du contraste. Alors que SOFIA, plus canaille et un brin effrontée, interprétait à merveille les rôles de coquines (Détecteur de mensonges, Quand tu m’caresses…).
Sketch pop et Joke & Roll…
Jean Yanne, les Charlots, Henri Salvador, Georges De Giafferi… S’il avait été leur contemporain, nul doute qu’à leurs côtés EL’BLASZCZYK aurait partagé les mêmes bacs chez les disquaires de l’époque… mais ce créneau n’existe plus… Alors dans quel tiroir ranger cet improbable escogriffe, cet artisan rockeur d’un genre révolu : rock belge, rétro-brico multipistes, rock bides & roll, nanar garage ? Laissons les musicologues à l’absurdité de leurs classifications obsessionnelles, lâchons prise et laissons-nous aller, simplement, spontanément, à l’écoute primaire de cette originale fabrication.
En pleine talky walky party, alors qu’il jouait avec sa petite sœur (DOÑA BELLA) aux agents secrets (tiens, il y a du James Bond dans l’air…) EL’BLASZCZYK eu l’idée de passer du jeu à la chanson et d’en faire, aussi sec, Taqui Oualqui. Pourrait-on faire spontanément plus ludique ? Probablement aucun autre rocker n’en aurait eu l’idée avant… Pas assez joueurs les rockers !
Côté auditeurs, Il faut croire que Quand tu m’caresses avait vraiment marqué les esprits. Toujours prompts à convoquer le vieux Sigmund, nombreux furent les intellos gainsbouriens qui ne virent dans Taqui Oualqui qu’une métaphore de l’approche amoureuse… Retour à la case érotico-comique ?
Avant d’être une chanson, Tapfex® fut une appareil conçu par EL’BLASZCZYK pour donner des beignes sans se faire mal aux mains. Il en fabriqua un prototype en 220V.
Plutôt qu’une douloureuse séance d’essai de son joujou baffeur sur DOÑA BELLA, sa petite sœur, il opta malicieusement pour un banc-test musical. Au travers d’un texte au vocabulaire pour le moins musclé, l’appareil est ainsi confronté aux configurations d’usage les plus diverses : Entre torgnoles et châtaignes, tartes et mandales, le Tapfex® fait des merveilles.
Précisons que si la majorité des auditeurs se marrèrent de bon cœur à l’écoute de cet étonnant duo, les grincheux de service occupèrent aussi le terrain de l’interprétation réactive : Les ultra-féministes dénoncèrent une incitation éhontée à la violence conjugale tandis que les militants pour la défense de l’autorité maritale récupérèrent la chanson, voulant s’en faire leur hymne des hommes à poigne. Enfin, d’autres (plus rares) ne virent en fait dans cette chanson qu’une Nème nuance de gris sur l’infinie palette des pratiques affectueuses. Du rabattage de caquet à l’apologie de la fessée… Allez vous y retrouver !
Pas étonnant, aux vues des ces polémiques, que la plupart des radios prirent la précaution de ne diffuser ni Tapfex (trop brutal !) ni Quand tu m’caresses (trop sulfureux !).
Contraint d’autoproduire ses propres recherches musicales, EL’BLASZCZYK, encore étudiant à l’époque, travaillait assez régulièrement pour une grande surface de La Rochelle. Electroménager, crémerie, boucherie, vins & spiritueux… il a laissé son emprunte créative dans de nombreux rayons. A tel point qu’un jour le directeur du centre commercial lui proposera, à titre gracieux (mécène le directeur !) une carte blanche pour occuper un stand dans la galerie marchande lors d’une quinzaine commerciale. Là où en général le rockeur “has been” échoue en fin de carrière, EL’BLASZCZYK lui, y démarra. De mémoire de commerçant on n’avait bien-sûr jamais vu un tel ovni. Bien situé, dans l’allée principale, entre une confiserie et le roi de la fenêtre PVC, son stand relevait plus de l’installation-expo-cabiné de rétro-curiosité où il n’avait d’ailleurs rien d’autre à vendre que son premier EP With Girls (qui s’écoula comme des p’tits pains) et des reproductions encadrées de ses collages. Mais le plus insolite reste le fait que les morceaux de son disque furent diffusés (quasi en boucle) via la sonorisation d’ambiance du centre commercial, l’animateur et son micro HF, se régalant à annoncer/désannoncer les quatre improbables titres de l’énergumène.
NB : Une autre des inventions d’EL’BLASZCZYK, Thermolépiex® (semelles électriques chauffantes sur piles 9V), ne fut elle, jamais mise en musique.
Quand tu m’caresses
Si EL’BLASZCZYK sait se montrer ferme et autoritaire (La grande castagne, La terreur de la circulation, Tapfex), Quand tu m’caresses nous dévoile un tout autre aspect de son potentiel relationnel. Quand sa connaissance approfondie de l’anatomie se conjugue à sa sensibilité à fleur de peau ça donne “Le slow de l’hiver”, “La chaude ambiance” (tels étaient les slogans accompagnant la sortie du titre à l’époque). Ce titre pourrait d’ailleurs figurer dans une compilation des nombreuses reprises parodiques de Je t’aime moi non-plus, dans la plus pure veine érotico-comique à la française. Il semble que ce slow mythique et marquant ait connu un solide succès, y compris chez des auditeurs non francophones. Au delà du jeu des mots, le ton et la musicalité des répliques restent perceptibles malgré la barrière de la langue.
Tel J’ai pas d’santé, Piquouze jerk, Tapfex ou Tentative disco-thérapeutique, ce titre illustre parfaitement l’une des spécialités de l’écriture systématique d’EL’BLASZCZYK : la “chanson-énumération”, un vocabulaire riche et foisonnant nourrissant de longs lexiques rimés, en dialogues croisées “elle & lui”.
SOFIA BELLINNA : On ne pourra pas écouter ce titre sans être positivement frappé par l’étonnante expressivité de SOFIA BELLINNA, copine de DOÑA BELLA, collégienne de 6ème. Comment cette gamine d’à peine douze ans a t-elle pu si bien s’intégrer à cette aventure musicale ? Que la propre sœur d’EL’BLASZCZYK, malgré ses neuf ans d’écart se fasse la complice de ses pitreries, soit. Mais qu’une non-initiée à la créativité familiale se prête si bien à ces frasques pop… chapeau !
Son indéniable potentiel de comédienne, et son timbre assez grave (plutôt atypique pour une fille de son âge) lui valurent d’ailleurs quelques beaux rôles dans les chansons d’EL’BLASZCZYK : Citons entre autres Mensonges Detector (jamais abouti) et Tu m’aimes, moi aussi.
Souvenir de concert : En after à un mémorable passage sur scène d’EL’BLASZCZYK au feu New Morning (les Dutronc y étaient aussi ce soir-là), le public, encore sous le choc de cette inqualifiable apparition, fut invité à valser sur cet hymne à l’amour ! Vous dansez ?
ATTENTION ! Effets secondaires… Vous avez remarqué ? Après environ trois minutes d’écoute prostrée, (en général ça commence à vous prendre vers “quand tu m’caresses les artères”) On dirait que la platine hésite entre 33 ou 28 rpm. Les interprètes fatiguent, le disque ne tourne plus rond, ça gondole, ça titube, on a des impressions de variations aléatoires de vitesse, la superposition des différentes fréquences de réverb vous font tanguer…Beat hypnotique à pas dépasser la dose, passez vite à la suivante !
Pour cette chanson aussi, les versions furent nombreuses.
C’est finalement ce titre qui aurait du compléter les trois autres du EP With Girls car en effet, le simple James Bond paru à l’époque était le seul morceau dans lequel ses partenaires féminines n’intervenaient pas. James Bond Girls n’étant pas finalisé au moment du bouclage de With Girls, EL’BLASZCZYK sortit donc ce qu’il avait de prêt. Bien que plus court d’une bonne minute, ce deuxième volet de la saga Bond est ici traité en long métrage. La mélodie, lascivement répétitive, donne à EL’BLASZCZYK le temps de vous projeter à l’oreille scènes et décors.
Visez la séquence ! Vous voyez le scopitone ? Regardez DOÑA BELLA et SOPHIA BELLINA en girls fatales. Elles ne posent leurs jeunes voix que sur les chœurs et pourtant leur présence reste palpable tout au long de la chanson-film, ce sont bien elles les héroïnes du morceau. Reste à noter une partie de batterie étonnement sophistiquée : C’est à un vrai musicien “de passage”, CHRIS’ QUINTARD, que l’on doit cet accompagnement rythmique. Il participa d’ailleurs lors de la même séance à l’enregistrement de la version “enrhumée” de Etablissement Spécializé.
Prisonnier Beatnik
Du cinéma à la chanson… One more time !
EL’BLASZCZYK venait de tourner dans un court métrage le rôle d’un passager d’ascenseur tabassé par les autres occupants. Son amochage avait nécessité quasi deux heures de maquillage hollywoodien. Ce qu’il en découvrit dans le miroir lui donna l’idée du personnage de Prisonnier Beatnik. Mais pour une fois, contrairement à l’approche complaisante des chanteurs 60’s, le Dylan de la Sorbonne, le contestataire du pavé passe ici du quartier latin à la vraie tôle. Il morfle, il en bave et faudra pas compter sur papa pour régler çà à la préfecture.
Bruitages, coup de fouets, matons et parloirs… d’un court métrage à l’autre, moteur, ça tourne !
Cette chanson, jamais diffusée sous cette forme, est restée connue des amateurs sous le titre de Tu vas crever. Elle n’était alors qu’à l’état d’esquisse, sans véritable fil conducteur. Une fois de plus, la porosité cinéma-musique amorça la chanson : EL’BLASZCZYK écrivait alors le scénario d’un petit film à sketchs sur des accidents bêtes, conséquences de suicides maladroits… il en adapta les six couplets que l’on retrouve ici.
Mais ce n’est que lorsque le projet d’album concept Rock in the Clinic prit forme, que Tu vas crever murit en Hully-Gully Neurasthénique. Ce qui n’avait été qu’une simple énumération des scénarii suicidaires se contextualisa alors en cette interpellation patient/psy : “Docteur, vous m’conseilleriez quoi vous ?” Une version alternative non retenue, concluait même la chanson par la prescription finale du toubib.
Piquouze Jerk
Sûrement l’une des thérapies de choc de l’Etablissement spécializé… Cinq vers, une strophe, une minute pile ! La plus courte de toutes les chansons d’EL’BLASZCZYK (en voilà une au moins qu’il aurait pu chanter sur scène sans prompteur !) Tiens, une nouvelle voix ! Quelle est cette jolie nurse qui vient rejoindre les girls pour donner la réplique au Docteur BLASZCZYK ? Elle n’a visiblement pas que du cyanure dans ses piqures car il ne sera pas long à succomber aux charmes de la belle infirmière. En effet, peu de temps après elle deviendra Madame BLASZCZYK herself… Love in the Clinic !
J’ai pas d’santé
Une des toutes premières chansons écrites par le Docteur BLASZCZYK, 60 ans après la rate dilatée et le pylore coloré du légendaire Gaston Ouvrard (référence ouvertement revendiquée), c’est LE titre manifeste de l’ensemble de son œuvre à thématique médicale.
Elle sont innombrables les versions de ce titre ! Rock, twist, cha cha cha en concert … Il faut dire que plus que jamais, le principe de cette chanson-énumération se prête assez facilement à toutes les fantaisies stylistiques d’EL’BLASZCZYK. C’est très probablement la plus courte et la plus simple de toutes les variantes que nous proposons ici, issue de la même session d’enregistrement que Elle est Horrible.
Toujours candide et culotté, EL’BLASZCZYK sollicita le partenariat mécénal des grands labos pharmaceutiques pour son projet d’album Rock in the Clinic. On imagine les réactions des communicocrates face à une approche si “décalée” de leur univers industriel !Pas plus que Tapfex ou Quand tu m’caresses, J’ai pas d’santé ne fut jamais diffusé sur les ondes publiques. Le message de ce work-song médical (que l’onimagine scandé en chœur par les forças creuseurs de la fosse SECU) dut être jugé bien trop subversif !EL’BLASZCZYK fut toujours éberlué (mais aussi très amusé) de constater à quel point sa spontanéité humoristique pouvait être prise avec tant de sérieux.
Variante de Taqui Oualqui (vous avez reconnu la reprise du même air ?), déclinée cette fois à la thématique du projet d’album concept Rock in the Clinic. Une fois de plus, DOÑA BELLA donne la réplique au Docteur BLASZCZYK.
Connaissant la pluridisciplinarité artistique d’EL’BLASZCZYK, on ne sera pas surpris d’apprendre qu’il travaillait alors sur un projet de prises de vues radiographiques dont le principe était de contextualiser et d’accessoiriser les sujets radiographiés afin que les squelettes des images finales semblent porteurs, eux-mêmes, de tout cet attirail (cow-boys, soldats, fausses prothèses, fil de fer…). Malgré un dossier de présentation original et un argumentaire enthousiasmant, les contraintes de sécurité et d’éthique liées à la pratique de la radiologie en milieu médical étaient telles qu’il il ne put trouver aucun mécène radiologue qui prenne le risque de contribuer à son projet.
Tentative disco-thérapeutique
Si les yéyés pouvaient soulager, si les pionniers pouvaient soigner ! C’est précisément à cette nouvelle médecine que s’essaye une thérapeute d’un nouveau genre, mais sans succès.
En rade de girls (comme pour Hully-Gully neurasthénique), EL’ BLASZCZYK va devoir interpréter les deux rôles à la fois : Le patient dépressif et la psycho-toubib. Changement d’intonation, maquillage vocal, effets spéciaux à la post-prod… ROCK BAND HIMSELF plus que jamais !
Cocktailo-thérapie
Une vraie synthèse ! Entre l’autodiagnostic de J’ai pas d’santé, les recettes suicidogènes du Hully Gully neurasthénique et les traitements de choc pratiqués dans l’Etablissement Spécializé… Des suppositoires au curare de Piquouze Jerk au Schnaps-térébenthine de cette mixologie délirante, il n’y avait qu’un pas : Le shaker dans une main, le micro dans l’autre, EL’BLASZCZYK (dont on rappellera, au passage, les origines polonaises…) l’a franchi au péril de son foie, cul sec. Le voilà derrière le zinc, tout imprégné de science, nous livrant une automédication de sa façon. Santé !
Mais attention, au delà de l’humour évident de cette Nième gauloiserie pop, notons une fois de plus le penchant pour l’expérimentation scientifique du Prof. BLASZCZYK. Tout comme pour son invention du Tapfex®, ou son projet de portraits radiographiques, l’approche empirique des différentes formes d’ébriété occupa une place importante dans ses recherches.
Passionné de plongée sous-marine, il se spécialisa notamment dans l’étude des barotraumatismes et de l’éthylo-bathymétrie et put mettre en évidence la corrélation très complexe des différents facteurs liés au phénomène d’ivresse des profondeurs (durée et profondeur d’immersion, nature et degré alcoolique des boissons ingérées…). Une petite tranche de vie professionnelle passée dans un centre de recherches océanographiques lui permit d’ailleurs d’y mener quelques expériences personnelles. Si la plus-part de ses mixtures tonifiantes restent médicalement douteuses, certaines associations s’avérèrent plutôt judicieuses. Son guignolet à l’eau oxygénée (Cherry H2O2) rencontra ainsi un certain succès auprès de ses amis les plus téméraires, de même que son légendaire Gin Synthol. En revanche, sa Vodka Petrol Hahn reçut un accueil beaucoup plus mitigé. Quant à l’encaustique antillais (un grog de son invention), il n’en révéla jamais que deux des mystérieux ingrédients : le rhum et la cire d’abeille (très agréable en bouche mais provoquant de terribles céphalées).
Etablissement spécializé
Comme pour beaucoup de ses chansons, EL’BLASZCZYK a parfois multiplié les variantes d’un même titre.La version, dite “enrhumée”, était destinée à constituer la deuxième plage (après J’ai pas d’santé) de l’album en préparation Rock in the Clinic. Pédale wah wah, batterie plutôt funky et ambiances sonores “hospitalières” donnaient à cette version un côté générique de série TV médicale des 70’s.Quant à cette deuxième version, sa préférée, elle explore une autre voix, plus psychédélique. Les trente dernières secondes de wah wah combinée à la réverb évoquent les effets secondaires des “traitements très particuliers de cet établissement très spécializé” dont le directeur aurait bien pu être Timothy Leary himself…
Une clinilkenu (tu vas où ?)
Une troisième version d’Etablissement spécializé (dont les bandes restent encore introuvables à ce jour) finissait par une longue conclusion hallucinatoire dont le message subliminal se révélait en jouant la bande à l’envers.Seul subsiste aujourd’hui cette petite maquette de travail, bricolée sur le matériel du studio d’électroacoustique du Conservatoire de Bordeaux où il fut l’élève de Christian Eloy.Tard le soir, rideaux tirés, bougies allumées, écoute au casque… Les heureux possesseurs de platines à entrainement débrayable pourront tenter la mémorable expérience de la rotation manuelle en sens inversé.Ce n’est qu’au prix de cette pratique vinylique interdite que l’inquiétant verlan du docteur BLASZCZYK révèlera alors son subliminale message.
1959 : Something Else d’Eddie Cochran…… 1963 : Pour Johnny, Jil & Jan adaptent ce standard du rock & roll sous le titre de Elle est Terrible.Trente cinq ans plus tard, EL’BLASZCZK, toujours prompt à donner dans la gauloiserie, détourne sans complexe ce classique en Elle est Horrible. Guitares minimalistes, contrebasse bien grasse, une amplification Bouyer saturée comme il se doit… C’est propre, c’est net !Au petit jeu des face A / face B contrastées, Elle est horrible serait associée au Don Juan, tout comme Tapfex ferait la paire avec Quand tu m’caresses sur un single concept “qui aime bien châtie bien”.