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artist : EVARISTE

Release date : June 17, 2022
genres : FRENCH WEIRD POP
format : CD/LP/DIGITAL
reference : BB153

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EVARISTE – IL NE PENSE QU’A CA – 1967/1970

ENGLISH TEXT BELOW

Évariste fait partie de ces rares musiciens à être également scientifiques : à ses côtés siègent le polytechnicien Pierre Schaeffer (ingénieur et père de la musique concrète) et le farfelu Boby Lapointe (sorti de l’École centrale et inventeur du système Bibi-binaire breveté en 1968).

La chanson énergique et joyeuse (bien qu’extrêmement critique) d’Évariste dissimule une tragédie première. En effet, né en 1943 dans un milieu de résistants, Joël Sternheimer (alias Évariste) grandit sans son père, mort à Auschwitz.
Bien que le chanteur semble faire peu d’allusions à la culture juive dans ses morceaux, celle-ci a bien eu une influence : il interprètera d’ailleurs une chanson en hébreu pour la télévision en 1974.

Si, en 1966, le jeune Joël arbore un pull aux couleurs de l’université de Princeton, c’est parce qu’il en revient tout juste. Envoyé là-bas pour poursuivre ses recherches sur « la masse des particules, l’interprétation des régularités qu’on y observe comme les conséquences d’une onde » (comprendra qui peut), il arrive aux États-Unis en pleine guerre du Viêt-Nam. À l’époque, McNamara cherche une alternative à l’arme nucléaire et sollicite les brillants cerveaux du pays pour s’atteler à la tâche. S’opère alors une « réorientation de crédits » au sein de l’université, formule diplomatique signifiant que ceux qui ne veulent pas marcher dans les combines du gouvernement sont priés de disposer. Joël est sous la tutelle d’un physicien rebelle et se voit donc remercié. L’étudiant continue quand même de suivre les prestigieux séminaires de l’Institute for Advanced Study, tenus par Oppenheimer, le créateur de la bombe atomique.

Sans doute galvanisé par le mouvement et la musique hippie, Joël s’achète une guitare et se plante dans Washington Square, se disant qu’après tout, Bob Dylan lui-même a débuté là-bas. Il sèche allègrement Oppenheimer et reçoit un accueil chaleureux (quoi qu’étonné) de la part d’une foule qui ne pipe pas un mot de Français. Un jour que le vieux physicien vient l’interroger sur ses absences répétées, il explique à son professeur à quel point la musique l’attire, mais surtout qu’il y voit un moyen de se faire un peu d’argent pour financer ses recherches de manière autonome. Évariste confie avoir vu cet homme malade, au visage ravagé par le remord d’Hiroshima, s’éclairer à ses propos et s’écrier « Oh ! Mais allez-y enfin, foncez ! Si j’étais jeune, c’est absolument ce que je ferais. » L’étudiant reçoit ces mots comme un testament. Des mots qui achèvent de le convaincre. Il sautera le pas lors des vacances de Noël à Paris.

Un ami journaliste qu’Évariste croise souvent dans le quartier de la Sorbonne l’introduit auprès du Directeur Artistique des Disques AZ. Ce dernier passe les bandes au patron du label, Lucien Morisse, qui est aussi directeur des programmes sur Europe N°1. Morisse crie au génie… et signe le chanteur illico ! Michel Colombier, arrangeur de Serge Gainsbourg et co-auteur avec Pierre Henry de « Psyché Rock », apporte ses idées originales au 45t « E=mc2 » : pour le son de percussion qui revient dans « Le calcul intégral », la préocupation d’Évariste est que ça fasse « poum poum » et pas « tac tac ». Colombier, conscient du problème, enregistre la guitare d’Evariste en l’utilisant comme percussion dans une cabine isolée. On trouve également sur le disque l’organiste Eddy Louis qui participera en 1969 à la réussite du « Paris mai » de Claude Nougaro. Nous sommes en 1966 et le phénomène Antoine (qui, lui, a signé chez Vogue) sévit dans tout l’Hexagone. Les chanteurs présentent des profils proches : Antoine est ingénieur de l’École centrale et doué d’une grande originalité dans ses textes. Du pain béni pour les deux maisons de disques qui y voient d’emblée une stratégie commerciale. Elles les montrent en rivaux, mais Évariste se défend encore aujourd’hui de ces commérages de journaux pour midinettes. Évariste connaît vite le succès et embraye sur un deuxième 45 tours en 1967, « Wo I nee » arrangé également par Michel Colombier. Les fanas de mécanique quantique ont enfin leur hymne : « La Chasse Au Boson Intermédiaire ». Pour résumer ce qu’est un boson, disons qu’il est ami du méson, photon et autre gluon.

Quelques mois plus tard, Mai 68 explose. Tout est bouleversé.

Évariste écrit une série de chansons d’inspiration engagée et court les soumettre à Lucien Morisse. Quand l’homme qui avait créé Salut Les Copains et épousé Dalida entend la chanson « La révolution », sous forme de dialogue entre un père et son fils, il se décompose. La maison AZ ne peut pas sortir ça, c’est impossible. À ce moment précis, Lucien Morisse va commettre un geste historique dans l’histoire de la musique en France. Navré de ne pouvoir suivre officiellement son chanteur sur ce coup, il l’invite à produire son disque tout seul, mais avec son soutien tacite. Il appelle l’usine de pressage de disques et leur demande de pratiquer les mêmes tarifs pour Évariste que ceux en vigueur pour AZ. Le chanteur et ses musiciens disposent du même studio que pour le disque précédent, chacun jouant gratuitement en attendant le retour sur investissement.

Évariste continue de chanter à la Sorbonne, avec « la bande à Jussieu » dans laquelle traine « le jeune Renaud, le p’tit gavroche » comme il le surnomme. Renaud se porte volontaire pour taper à la machine le texte de la chanson « La révolution » afin que les choeurs puissent la chanter et l’enregistrer. Un gars de la bande est parent de Wolinski, il les présente. Les deux s’entendent comme pancarte et slogan, si bien que Wolinski dessine gratuitement la pochette du disque « La révolution ».

 

 

 

 

 

Le 45T autoproduit « La révolution / La faute à Nanterre » se vend sous le manteau, par colportage, 2 fois moins cher qu’un disque ordinaire, boulevard Saint-Michel et alentours. Il s’écoule très vite. Au final, il y aura 6 tirages du disque et 25000 exemplaires vendus.

Quand le réalisateur Claude Confortès décide d’adapter la série de dessins de Wolinski intitulée « Je ne veux pas mourir idiot », il propose à Évariste d’écrire la bande originale. Son copain, désormais dessinateur dans Hara-Kiri Hebdo, lui fera souvent de la pub en vertu du principe de « spécial copinage » auquel il tient. Dominique Grange (« Nous sommes les nouveaux partisans ») rejoindra la troupe. Au bout de 150 représentations, Évariste cédera sa place à Dominique Maurin (le frère de Patrick Dewaere).

Évariste écrira les chansons de la pièce suivante de Claude Confortes « Je ne pense qu’à ça », co-écrite avec WolInski, en 1969. Les comédiens de la pièce enregistrent les chansons sur un 45t de nouveau illustré par Wolinski.

En 1971, le documentaire « Évariste et les 7 dimensions » est produit mais non diffusé par la télévision française. En effet le sous-comité scientifique du comité des programmes (sic) censure l’émission : « Evariste a dangereusement mêlé la science à la science-fiction, à l’astrologie, à la numérologie et autres disciplines non scientifiques ». Mais peut-être s’agit-il d’un prétexte pour censurer les propos engagés du chanteur mathématicien. Évariste y parle notamment de hiérarchie, d’aliénation et de révolution. Si un demi-siècle plus tard, le documentaire reste toujours invisible, on a toutefois pu en voir quelques extraits en 1992 dans le numéro du magazine culte de Canal +, « L’oeil du cyclone ».

Bien que florissante, la carrière d’Évariste touche à sa fin. 1970 inaugure la décennie au cours de laquelle il va faire une découverte déterminante dans le domaine de la science et de la musique. Suite à ça, il se détournera de l’univers de la musique autogérée et des revues gaucho pour se focaliser sur la science. Gardant en tête les encouragements d’Oppenheimer, il peut désormais poursuivre ses recherches en toute indépendance, grâce aux recettes de ses disques.

Joël réalise en effet qu’en décodant les séquences des protéines, on découvre des séquences musicales reconnaissables par l’homme. Il les dénomme protéodies. Si l’homme, à l’écoute d’une protéodie, y est sensible au point de la trouver belle, cela signifie qu’il est en carence de la protéine correspondante. Cette musique très singulière pourrait alors le soigner. On peut retracer l’histoire de la musique à la lumière des protéines en déficit chez tel ou tel artiste, ou sur une majorité du public. Vous avez toujours cru que les groupies hystériques, qui jettent leurs culottes avec passion et s’évanouissent dans la fosse, étaient apparues subitement parce qu’on avait jamais rien vu d’aussi beau que les Beatles ? Faux ! Pour Évariste, tout est affaire d’intro protéinée. Le début de leur premier tube «Love Me Do» correspond à la dopamine, soit le neurotransmetteur qui pousse à l’achat compulsif. Une intro pareille ne pouvait que déchainer les chignons des groupies, victimes de la mode et de la biologie. Il a si bien vendu que ses revenus de musicien lui apportent longtemps l’autonomie financière à laquelle il aspirait déjà quand il se confiait à Oppenheimer. Le scientifique a pu ainsi exercer ses recherches sans aucune contrainte institutionnelle. Il se consacre désormais à ses protéodies, installé dans les bureaux de l’Université Européenne de la Recherche, qui siège à deux pas de la Sorbonne qu’il a si bien connue. Évariste n’est plus. Joël a repris le contrôle de cette bête étrange et drolatique.

Yves Marie Mahé & Jb Guillot

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Évariste is one of the rare specimens of artist-cum-scientists. Among his kind stand others like Pierre Schaeffer, a Polytechnique graduate (an engineer but also the father of musique concrète) and the eccentric Boby Lapointe (graduate of the École centrale and inventor of the Bibi-binaire system, patented in 1968).

Évariste’s songwriting, joyful and full of energy (albeit extremely critical), shrouds an original tragedy: born in 1943 among résistants, Joël Sternheimer (aka Évariste) grew up without a father, lost to Auschwitz.
Although he makes little reference to Jewish culture in his music, his origins leave their mark: in 1974, he sings a Hebrew song on television.

In 1966, the young Joël sports Princeton’s colourful paraphernalia – that’s because he’s freshly returning from the US, where he was sent to pursue his research on “particle mass and the interpretation of observed regularities, such as the effects of a wave” (will understand who may). When he gets there the country’s in the midst of the Vietnam War. With McNamara keen to find an alternative to the nuclear weapon and calling upon the country’s biggest brains to undertake the task, there’s a “fund shift” within the university – a diplomatic way to give notice to whoever may not be disposed to follow the government’s scheme. Joël, who’s under the supervision of a rebellious physician, is dismissed. He regardless keeps following the prestigious seminaries of the Institute for Advanced Study, chaired by Oppenheimer, inventor of the atomic bomb. 

Likely inspired by the hippie movement and music, Joël buys a guitar and starts playing in Washington Square – after all, Bob Dylan himself started there. He blithely skips Oppenheimer and receives a warm (though surprised) welcome from a crowd thoroughly unfamiliar with French. When the ageing physicist questions him about his decreasing attendance, Joël explains how drawn he is to music, and how he thinks it could help him in self-financing his research. Évariste recalls seeing the sickened man, his face torn by remorse, lighten up to his words and say: “What’s keeping you – go for it! If I was still young that’s exactly what I’d do.” The student takes these words as a testimony from his professor – and it’s enough to convince him . And so he takes the leap during the Christmas vacations he spends in Paris.

A journalist friend he often sees around the Sorbonne introduces him to the artistic director of Disques AZ. The latter passes the tapes on to the label’s boss, Lucien Morisse, also program manager on Europe N°1. Morisse is blown away – and signs him onto the label right away. Michel Colombier, arranger for Serge Gainsbourg and co-author of “Psyché Rock”, with Pierre Henry, contributes some of his original ideas to the 7 inch “E=mc2”: Évariste’s preoccupation with the percussion sound on the track “Le calcul intégral” is that it goes “poom poom” and not “tock tock” – Colombier is aware of the issue and records Évariste’s guitar like a percussion in an isolated booth. The organist Eddy Louis, who is to participate, in 1969, to the success of Claude Nougaro’s “Paris mai”, also appears on the record. It’s 1966 and the Antoine phenomenon (signed on Vogue) storms through France. The two singers share similarities: Antoine is an engineer of the École centrale, gifted with a great originality in his song-writing. A godsend for the two labels who turn this resemblance into a commercial strategy, setting them out as rivals. To this day though, Évariste still denies what was little more than slushy tabloïd gossip. Success comes around swiftly and in 1967 Évariste launches into a second 7 inch, “Wo I nee”, again arranged by Michel Colombier. Quantum mechanics fans finally get their anthem with “La Chasse Au Boson Intermédiaire” (or the “Intermediary Boson Pursuit”). To sum up what’s a boson, say he’s a close pal of the meson, photon and other gluons.

A few months later, it’s May 68 and everything’s turned upside down.

Évariste writes a series of songs inspired by the events, which he immediately submits to Lucien Morisse. When the man behind “Salut les copains”, once married to Dalida, hears the song “La révolution” – a father and son dialogue – he can’t take any more: AZ simply cannot release this. But there and then Lucien Morisse makes a gesture which will remain engraved in French music’s history: sorry to be unable to officially stand by the singer, he encourages him to self-produce the record, but with his tacit support. He calls the pressing factory and asks they apply the same rate for Évariste as they would for AZ. The singer and his musicians use the same studio as for the previous record, all of them playing for free awaiting a return on investment.

Évariste keeps singing at the Sorbonne with “Jussieu’s gang” and “the young Renaud” he nicknames “le p’tit gavroche” (or “street urchin”). Renaud volunteers to type the lyrics of the song “La révolution” so that the chorus can be sung and recorded. A boy in the group is related to Wolinski and introduces them. The two get along so well that Wolinski ends up drawing the cover for the record “La révolution”, for free.

The self-released 7 inch “La révolution / La faute à Nanterre” is sold under the table and door-to-door for half the price of a standard record, on and around the boulevard Saint-Michel; and it runs out fast. In the end, there will be 6 releases of the record, and 25000 copies sold.

When the theatre director Claude Confortès decides to adapt Wolinski’s drawing series titled “Je ne veux pas mourir idiot” (“I don’t want to die a fool”), he asks Évariste to write the original soundtrack. His friend, now cartoonist for Hara-Kiri Hebdo, often promotes him in accordance with a principle dear to him by virtue of which he gives a special place to his friends. Dominique Grange (writer of the song “Nous sommes les nouveaux partisans”) soon joins the team. After 150 performances, Évariste leaves his place to Dominique Maurin (brother of Patrick Dewaere).

Évariste composes the songs for Claude Confortès’ next play, “Je ne pense qu’à ça” (“That’s all I think about”), co-wrote with Wolinski in 1969. The comedians of the play record the songs on a 7 inch, with a cover signed, again, by Wolinski.

In 1971, French television produces the documentary “Évariste et les 7 dimensions”, but doesn’t air it. Indeed, the scientific sub-comity of the programming comity (sic) censors the show. The given justification is that “Évariste dangerously mixed science with science-fiction, numerology and other non-scientific disciplines”. The underlying motive might have been a will to censor the singer-mathematician’s political discourse. In the documentary and among other things, Évariste discusses hierarchy, alienation and revolution. Half a century later the documentary remains invisible, though some excerpts resurfaced in 1992 in the cult show “L’oeil du cyclone”, on Canal +.

Though flourishing, Évariste’s career is nearing its end. 1970 is the beginning of a decade in the course of which he is to make a decisive discovery in the musical and scientific domains. Following this breakthrough, he moves away from self-produced music and gaucho magazines to focus on science. He keeps Oppenheimer’s encouraging words in mind, now freely pursuing his research thanks to the sales of his records.

Joël realises that when decoding protein sequences, one finds musical sequences recognisable to humans. He names them “proteodies”. If, when listening to a proteody, one responds by being so sensitive as to finding it beautiful, then it reveals a deficiency of the related protein – and this peculiar music may be the cure. We could trace back the music history in light of proteins lacking in a given artist, or within a public’s majority. You always thought these hysterical groupies who’d throw their underwear with passion and faint in the pit had miraculously appeared because they had never heard anything as wonderful as the Beatles? Make no mistake! For Évariste, it all boils down to an intro’s protein content. Indeed, the beginning of their first hit “Love Me Do” corresponds to dopamine, the neurotransmitter linked to compulsive buying. An intro like this could only unleash the fervour of groupies, victims of fashion and biology. Évariste’s success is such that the income from his sales gives him the autonomy to which he had aspired when confiding to Oppenheimer. It made it possible for him to pursue his research without any institutional constraints. He now devotes himself to his proteodies, sat in the offices of the European University for Research, just around the corner from the Sorbonne he knew so well. Évariste is no more. Joël regained control of this strange and comical beast.