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Mauvaise nouvelle : Frustration porte de plus en plus mal son nom. On sait où ça va dès les premières mesures, le gang francilien est pas là pour inventer l’eau chaude ou la bière fraîche, et c’est précisément ce qu’on espérait. Sa-tis-fac-tion (désolé). Le relatif classicisme de ce sixième album, « Our decisions », vient étancher la soif des fans, dont la réputation n’est plus à faire (et on ne parle pas du record de recette de bar de la Maroquinerie). Leur musique est animée par un désir initial suffisamment complexe pour que son expression ne soit jamais une redite. Frustration n’enseigne pas l’histoire de la musique, ça ne les empêche pas de très bien savoir d’où ils viennent. Les piliers de Born Bad portent fièrement l’étendard de notre post-punk bâtard, nourri au grain, élevé en liberté, la crête gominée, l’ergot prompt à griffer.
L’une des grandes joies d’écouter un groupe qui a eu le temps de savoir ce qu’il voulait, c’est que ça joue ensemble. Les claviers ont six cordes, le batteur a un mediator, la basse chante, personne se tire la bourre, et ça s’entend comme ça se voit. Y’a sans doute plein de presets sur ses synthés, mais Fred Campo a dû arracher ce qui servait pas, résultat : pas de lasagne de nappes, c’est joué comme une gratte. C’est tout ce qu’on demande, trouver dans un disque ce qu’on entend en salle.
Frustration, groupe qui défend avec un acharnement touchant le droit de garder la tête froide – il y a une vie hors du van – a en toute logique un public fidèle, vierge ascendant louve. Si c’est votre premier coup de canif, soyez confiants, le quintette usine ses lames avec le savoir-faire d’une coutellerie de Thiers. Pour les snobs qui se roulent par terre quand ça chante en anglais du mauvais côté de la Manche, sachez que deux morceaux en français, « Omerta » et « Consumés », viennent précisément rappeler que Fabrice Gilbert chante dans une interlangue qui a juste gardé le meilleur des deux idiomes. Ca permet de goûter pleinement ses gueulantes acides et sans détours, qui taillent un costard à cette « génération de truffes apathiques / fantasmant sur des cons pleins de fric ». Losing my edge, mon cul.
Prémixé par Nicus, le guitariste, mixé par Jonathan Lieffroy, Krikor au mastering : il y a eu un petit coup de barre à bâbord depuis leur dernier album So Cold Streams. Le son est moins radicalement cold wave, et cherche un équilibre proche des instruments (la guitare joue à l’intérieur de ta face, plus près c’est dedans). On trouvera quelques traces d’indus sur les peaux des drums de
« Riptide », tunnel produit comme un banger, et chanté comme de la new wave. Anne, du combo rouennais Hammershøi, est venue sussurrer en teuton sur « Vorbei », rare moment de pause dans ce disque très intense. La batterie bien cardio de « Catching Your Eye » rappelle la joyeuse bourrinade « Shades from the past », instrumental de leur deuxième disque, et confirme si besoin était que Mark Adolf forme un tandem redoutable avec Pat Dambrine à la basse.
« Secular Prayer », qui ferme l’album, rappelle que Frustration est autant de la famille de Ian Curtis que de celle de Ian Dury : ça demande un soin fou de ne pas se prendre au sérieux avec autant de succès.
Halory Goerger
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Bad news is : Frustration is an increasingly misnamed band. You know where it’s going from the first few bars : the Parisian gang isn’t about old dogs learning new tricks, and manages to give precisely what we were hoping for. Hence : sa-tis-fac-tion, sorry. The relative classicism of their sixth album, ‘Our Decisions’, will quench the thirst of their fans, whose reputation is well established (we’re not talking about their very real record for bar takings). Their music is driven by a primitive desire that proves sufficiently complex for its expression never to get redundant. Frustration doesn’t teach music history, but definitely know where they came from : Born Bad pillars proudly bear the banner of our bastard french post-punk, bred in the wild, crests slicked back and spurs ready to claw.
One of the great pleasures of following a band that had time to figure out what it is that they want, is they got thick as thieves. The keys feature six strings, the drummer has a pick in hand : they live in each other’s pockets. There are no doubt plenty of presets on his synths, but Fred Campo probably ripped out the unnecessary buttons. As a result you get riffs, not keyboard lasagna. Which is all we’re asking, to find in a record what we hear in the concert hall.
They won’t brag about it, but they had a go with Sleaford Mods for a while (featuring and on tour). The singing – in a better english than most french crews, admittedly – does bear a resemblance with their UK cousins’. On ‘Omerta’ and ‘Consumés’, Fabrice Gilbert goes for french, but his aggro creole has retained the best of both idioms. Acid, no-holds-barred rants cut a swathe through this “generation of apathetic morons » at the heart of the lyrics. Produced in-house at Mains d’Oeuvres, pre-mixed by guitarist Nicus, mixed by Jonathan Lieffroy, with Krikor on mastering: there’s been a bit of a shift since their last album, So Cold Streams. The sound is less radically cold wave, and finds a balance closer to the instruments (should the guitar be any closer in your face, it’d be inside). Think The Fall / Wire, on they best behaviour. You’ll find trace elements of industrial music on the drum skins in ‘Riptide’, produced like a proper banger and sung with a new wave affectation. Anne, from Rouen-based combo Hammershøi, sings on ‘Vorbei’, a precious break in this very intense record. Those heart-pounding drums in ‘Catching Your Eye’ evoke the gleeful savagery of ‘Shades from the Past’, an instrumental from their debut album. If confirmation was needed, Mark Adolf forms a fierce tandem with Pat Dambrine on bass.
“Secular Prayer”, which closes the record, certifies that Frustration is as much kin to Ian Curtis as it is to Ian Dury. If « Our decisions » is your first shiv cut, you should dig deep and check their previous efforts, the quintet crafted a few blades for nearly two decades now.
Halory Goerger