Georges Batard devant son banc de gravures pour graver les lacques qui permettront de faire les mères pour presser les vinyls.
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Pendant longtemps, je tombais sur ces disques sans vraiment parvenir à comprendre ce qui les reliait, à part un macaron et ce fameux logo dessiné par René Dessirier. Puis, en fouillant un peu plus, j’ai découvert ce lien « l’auto-production ». Pour des chorales, des établissements scolaires, des chanteurs de folk, de jeunes groupes de pop, des foyers populaires et même de grands compositeurs qui gravaient des copies uniques de certaines sessions d’enregistrement…
Pendant français du « Derby Service » anglais, le Kiosque d’Orphée, anciennement au 7 Rue Grégoire de Tours dans le 6ème arrondissement, est repris par Georges Batard à partir de 1967 et déménage au 20 Rue des Tournelles dans le 4ème arrondissement de Paris. L’aventure durera jusqu’en 1991. Georges Batard était un ingénieur du son qui avait un graveur Neumann a lampes, pour graver les acétates à partir des bandes qu’il recevait, avant d’en tirer les précieux vinyles, dans les usines de presse de l’époque, où il avait la possibilité de faire de tous petits tirages, entre 50 et 500 exemplaires.
Il y avait évidemment d’autres structures qui permettaient de sortir ses disques comme Voxigrave ou plus tardivement FLVM, mais aucune n’avait autant de disques à son catalogue. Le Kiosque d’Orphée n’était ni un label ni un éditeur, mais une structure qui vous permettait de presser vos propres vinyles, à une époque où c’était toute une aventure que de faire paraître son premier 45 tours ou son album 33 tours !
Georges Batard était décrit comme quelqu’un de passionné et de très consciencieux. A son propos, son fils, le bassiste Didier Batard, écrivait :
« Georges était passionné par l’enregistrement et la reproduction sonore stéréo de sa grande passion, la musique. Il portait une grande attention aux taux de distorsion, aux rapports signal/bruit, aux courbes de réponse, aux temps de montée, et autres facteurs d’amortissement du matériel audio. Il cherchait la reproduction exact du son des salles de concert dans son salon. (avec le même niveau sonore, si possible…). A la fin des années 50 / début des années 60, il avait trouvé d’autres passionnés du son au sein de l’AFDERS (Association Française pour le Développement de l’Enregistrement et de la Reproduction Sonores). Il en était devenu le président d’honneur. Tous les samedi après-midi, ses membres se réunissaient pour tester du matériel audio. Leurs avis étaient publiés dans le mensuel la Revue du Son. »
Vous n’aviez qu’à envoyer vos bandes et à choisir le nombre d’exemplaires de disques avec lesquels vous repartiriez sous le bras, pour pouvoir enfin partager vos créations et, d’une certaine manière, exister. Vous pouviez opter pour une pochette générique, déclinée en plusieurs couleurs, directement personnalisable avec votre nom et les crédits, ou vous pouviez concevoir vous-même votre pochette rêvée dans votre salon ou chez un imprimeur.
Ce Temple du « Do It Yourself » donna naissance à de superbes pochettes. Réalisées au pochoir, écrites à la main, illustrées avec des peintures, des dessins, des illustrations d’amis ou de petites amies de l’époque, des tirages photos collées hâtivement au milieu d’une pochette vierge et blanche, sur laquelle les traces du temps viendraient laisser leurs empreintes pour que des collectionneurs et autres curieux viennent les acheter des décennies après, avec la promesse d’une découverte musicale, malheureusement pas toujours exaucée…
Le point commun de la plupart de ces disques est la jeunesse de leurs auteurs-compositeurs, qu’ils aient fait carrière ou non. Des histoires de potes, de débrouille et des rêves de gloire ont constitué ce catalogue. Il s’agissait le plus souvent de production amateur, aussi bien dans le niveau des musiciens que dans la qualité d’enregistrement, fait sur un deux pistes ou, luxe ultime, sur un 4 pistes dans sa chambre d’adolescent ou dans le salon des parents.
C’était le début du home studio, grâce à l’apparition du magnétophone à bande portable Revox. Du bricolage un peu bancal, mais, en contrepartie, le luxe de ne se fixer aucune limite : des morceaux d’une face entière, aucune censure extérieure, pas de directeur artistique, pas de manager, pas de logos Barclay ou EMI/Pathé Marconi …Quand on avait enfin son propre disque, on pouvait alors le donner ou le vendre aux amis, à la famille ou après des concerts. On pouvait aussi le déposer chez le disquaire de la ville la plus proche, avec une fierté non dissimulée. C’était aussi une carte de visite que l’on pouvait envoyer à des radios ou à des labels de musiques en caressant l’espoir de lancer sa carrière…
Bien des protagonistes de cette histoire ont essayé de signer dans des labels mais à l’époque les ponts n’étaient pas si aisés à trouver entre sa ville de pro- vince, voir son village, et la major ou le label plus pointu qui aurait pu sortir ces disques. A l’époque, les publicités publiées dans la presse par le Kiosque d’Orphée ont ouvert le champ des possibles aux compositeurs provinciaux. C’était désormais possible de faire son disque, sans avoir à passer l’examen d’une signature dans un label.
Certains des compositeurs qui ont fait carrière se sont servis de ce biais pour sortir leur premier disque ou des projets parallèles (Claude Engel, Dominique A, Andy Emler, Michel Deneuve, Claude Mairet, Mick Piellard, Tristan Murail…) et parfois même des copies de travail ou promotionnelles en pressage unique ou très limités (Bernard Parmegiani, Jef Gilson…).
Cet album est la conclusion d’une longue enquête, commencée il y a six ans. Un travail de longue haleine pour retrouver les disques, éparpillés un peu partout, chez des collectionneurs et parfois chez les musiciens eux-même, puis les écouter, parfois péniblement, pour dénicher ces moments de grâce.
De ce travail, il reste 23 morceaux, mais il y en a des dizaines d’autres qui auraient pu s’y retrouver, il a fallu choisir et le choix se devait d’être le plus universel possible. Cette sélection n’est évidemment pas objective, mais j’espère qu’elle vous plaira.
Aujourd’hui reste la musique brute, touchante et puissante.
Sacha Sieff
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RHODES & CO (1975):
C’est au Club Peguy à Poissy, que 7 enfants de 12 à 14 ans et un animateur Jean Marc Duchamp font de la musique avec beaucoup de liberté. Ils partent en Angleterre avec une voiture/break prêtée par l’un des parents des enfants pour aller acheter des instruments de musiques (amplis, basse, percussions & guitare) que l’on trouve là-bas à moitié prix.Très rock comme leurs idoles du moment, ils improvisent et peu à peu, après quelques concerts seulement qui leur servent a répéter, ils iront au Théâtre de Poissy ou ils pourront à l’aide d’un ingénieur du son et de quelques panneaux pour isoler la batterie, enregistrer deux morceaux sélectionnés de leur répertoire aux allures de jams. Avec deux magnétophones ils feront des effets surprenant de reverse, de stop et d’accélération pour pimenter ces deux morceaux très Shadows aux tempos instables.
Ce disque improbable a un charme fou et est un bon exemple des disques scolaires et associatifs ou l’on laissait les enfants se frotter à la musique rock ou contemporaine avec les moyens du bord.
SPOTCH FORCEY (1981):
Jean Marie Boehm (Paul Spotch) et Gilles Dumont (Ymont Forcey) se rencontrent à BVA une boite de sondage qui était un lieu de rencontre d’étudiants et d’artistes à la recherche de petits boulots. Ils nouerons leur amitiés lors d’émissions k7 « Radio Chateau » ou l’idée viendra à Spotch de faire un spectacle à la fois performance et concert au Théâtre Accidentel (une ancienne épicerie à Antony dans le 92). L’idée de faire un disque prend forme et en Janvier et février 1981 ils enregistrent sur 2 magnétophones Révox B77 dans un appartement parisien du 13ème arrondissement. Un micro sous une peau de percussion pour obtenir des effets étranges, ils expérimentent et crée un univers vraiment original et unique. « Frustré » le morceau ici compilé est un exemple ou le punk et la Cold Wave se rencontrent avec cette énergie brutale et sans aucune concession. Ils sortent le disque peu de temps après et il est distribué dans des boutiques parallèles mais aussi à la sauvage ou ils le déposent sans autorisation dans les rayons de la Fnac.
CRYSTAL EYES (1978):
45 Tours split de deux groupes Oxyde et Crystal Eyes qui étaient au Lycée Charlemagne à Paris.
« Crysalized » du groupe Crystal Eyes mené par Alain Champagne est un morceau à deux tempos, un épuré et doux avec de l’écho sur une batterie minimale ainsi que sur la guitare et la voix et un plus enlevé très punk rock ou l’écho trouble disparait au profit de la batterie et la guitare qui explosent. Les deux morceaux du groupe sont enregistrés chez Alain Champagne qui habitait boulevard Beaumarchais avec un magnétophone Revox qui permet de capter les morceaux et de créer les échos. Alain étant voisin du Kiosque d’Orphée, il sympathise avec Georges Batard. Il va ramener sa bande et celle du groupe Oxyde au kiosque voulant faire un test pressing mais Georges Batard lui proposera d’en faire 247 pour un bon prix. Alain s’occupera de faire les pochettes, et de distribuer et vendre les disques aux copains, et aux concerts des deux groupes.
DEMON & WIZARD (1982):
Le groupe est composé de Jean-Marie Robbe et Jean-Michel Rameix (qui jouera après dans Soggy et the Black Widow un groupe de Reims). Il y a sur le morceau Black Witch également Philippe Lonchay qui chante et compose en partie le morceau.
Le groupe se dit que ce serait génial d’avoir un disque à eux, cette fameuse fierté de pouvoir sortir de sa collection de disques son propre vinyle. Ils n’en feront que 100 copies par manque de moyens. Ils seront principalement pour la famille et les potes, quelques copies finissent chez des disquaires de Reims. Ce disque de folk électronique assez sombre à été fait en SOS « Sound On Sound », à l’aide de deux magnétos cassettes pour faire le montage dans la chambre d’adolescent de Jean-Marie Robbe. Mélange de guitare acoustique, de guitare électrique, d’un synthéthiseur Korg MS 10, d’un flanger Electro-Harmonix, d’une table Boss 8 entrées et d’une chambre d’écho à bande.
GÉRARD ALFONSI (1977):
Artiste d’un seul disque 45 tours probablement, après de longues et vaines recherches je n’ai pu retrouver Gérard Alfonsi. Un mystère comme il en existe tant sur le kiosque d’Orphée, un disque surement fait pour le plaisir ou la blague.
Les deux morceaux du disque sentent bon la jeunesse et les drogues douces, en effet le morceau « Marie la Joie » est le titre de la face B. Le morceau sélectionné ici « Fana Stickle » est très nonchalant et fait penser dans le ton et la voix au morceau de la compilation « Girl like you » de Warlus ou bien à Dashiell Hedayat dans le lâcher prise et la désinvolture, sans peut-être la poésie de ce dernier.
GUIDON, EDMOND ET CLAFOUTIS (1974):
Premier 45 tours de 3 musiciens en devenir: Mick Piellard (Basse/Voix) qui rejoindra Ange, Claude Mairet (Guitare/Voix) qui deviendra le guitariste-arrangeur d’Hubert-Félix Thiéfaine , et Jean-Louis Guillet (Batterie) qui jouera plus tard avec Larry Martin Factory. Le Blues Rock et la musique anglophone à l’honneur, l’envie d’un son épais transparait sur ce 45 tours rarissime.
KËNNLISCH (1976):
Cet album des deux frères Macherey au nom complètement inventé reflète une grande envie d’espace, d’air marin et de liberté. Mélange de guitares acoustiques , électriques , d’échos et de synthétiseur. Album en grande partie instrumentale dont le morceau choisi ici « Kënnlisch » est un bel exemple de ce mélange .Il y a sur l’album un morceau parlé « sensation » et un très beau morceau chanté en anglais « Marie » qui aurait pu être l’élu.
WARLUS (1977):
Warlus est un Groupe mené par Richard Maubert natif de Villepreux et accompagné par Pascal Ducourtioux à partir de 1974. Le nom du groupe est un hommage au morceaux des Beatles «I am the Walrus » et surtout à John Lennon qui a été la raison pour laquelle Richard a voulu écrire des morceaux de musique. Les deux musiciens jouent de tous les instruments. Cet album a été enregistré en grande partie au théâtre du Val de Gally par Pierre Strouillou , ingénieur du son dudit théâtre, qui impressionné par un live des deux musiciens leur a proposé d’enregistrer sur deux magnétophones Revox pendant deux nuits, les 31 Décembre 1974 et 1er Janvier 1975. Tout cela se passe en douce pendant l’absence du manager du théâtre qui était en vacances. 10 titres furent enregistrés lors de ces deux nuits et en 1976 après que le groupe fut séparé, Richard déménagea à Paris et enregistra quelques nouveaux morceaux et overdubs avec l’aide de Maurice Favre. De ces enregistrements il fut tiré 200 copies de ce disque incroyable, mélange de pop folk mélancolique et de lo-fi psychedelique. « A Girl like you » a un charme fou et est pour moi un morceau qui se situe entre The Beautiful Losers et Dashiell Hedayat.
GEOFFROY (1981):
Geoffroy est formé par une bande d’amis musiciens, fans de King Crimson et des Pink Floyd entre autres. Ils veulent laisser une trace, un héritage à leurs enfants de leur passion musicale en réalisant un album eux-même. Et quel album ! Avec un son bien moins amateur que ce que l’on a l’habitude d’entendre sur le Kiosque d’Orphée. Ils ont pour cela économisés pour louer un vrai studio et répétés inlassablement après leurs dures journées de travail respectifs pour réaliser leur rêve. Cet album de Prog Rock est vraiment très solide et dégage une grâce certaine.
AMPHYRITE (1975):
Cet album de rock progressif a été réalisé par trois amis à Villefranche sur Saône. Ils sont partis un soir avec leur matériel dans une salle et ont enregistré en direct avec deux micros en cloches tous les morceaux en une nuit. Il en a été tiré un tout petit pressage de 200 copies dont une grande partie a été jetée suite à une inondation dans la cave de l’un des membres du groupe. L’album devenu culte et hyper recherché est un bon exemple d’un rock assez brut joué par trois musiciens amateurs sur le Kiosque d’Orphée. Les trois membres sont toujours amis aujourd’hui.
RICTUS (1981):
Rictus est groupe formé par Rol Brultey, le disque avant de sortir est joué sur scène sous la forme d’un Opéra Rock depuis 1980. Il va paraître en 1981 et reste un album concept très solide qui donnera lieu a beaucoup de représentations et à une version en anglais en 2021 avec une formation remodelée qui existe encore.
INSCIR TRANSIT EXPRESS (1978):
Inscir Transit Express, l’ITE est un groupe de copains étudiants de l’INSCIR (Institut National Supérieur de Chimie Industrielle de Rouen). Ces fans de musique enregistrèrent un album au son brut, rock progressif et psychédélique. Ce sont cinq élèves qui répètent ensembles dans une petite pièce au 3ème étage de l’école puis avec les problèmes de nuisances sonores que cela engendre, ils finiront dans les cuisines de l’établissement. Il jouent deux fois au bar et une fois en Boum ou ils jouent la musique connue de tous:
« Le Rock des autres » mais ils veulent jouer leur musique et le 19 février 1977 ils enregistreront à Mont Saint-Aignan cet album conçu entièrement par eux.
EOLE (1979):
45 Tours réalisé avec deux des musiciens d’Inscir transit Express, on retrouve Luc Vandewalle à la guitare et jean-Pierre le batteur d’Inscir et deux autres musiciens Patrick à la basse et Pascal aussi à la guitare. Moins brut qu’Inscir Transit Express, « Friendship » est un morceau pop-rock chanté en anglais et enregistré à la Maison pour Tous (MTP) de Saint Omer dans le Nord de la France.
JEAN CLAUDE ZEMOUR :
Morceau Pop Rock seventies, ce 45 tours aurait pu sortir sur n’importe quel label de l’époque mais non il est bien apparu en auto production sur le Kiosque d’Orphée. À l’inverse de beaucoup de morceaux de la compilation chantés en anglais, Jean Claude Zemour y assume la français avec brio.
CAPUCINE:
Cet album à été réalisé pour deux pièce de théâtre « le Champion de la Faim » d’après Kafka et « Les Corbeaux » d’Henry Becque. Ce disque instrumentale & improbable est une série de morceaux, parfois justes des interludes, qui ont un air de SunRa déconstruit par ce quartette de musiciens amateurs. La très belle pochette de cet album est une oeuvre de «Xavier Bonnet » qui rend l’objet encore plus mystique. Le groupe Capucine avec un nouveau batteur livrera un deuxième album sur le Kiosque d’Orphée en 1979 plus pop & folk avec des textes et des chansons.
CHANTAL WEBER (1983):
Cet album culte a été conçu avec les textes de Jean-Pierre Gueno et les musique de Daniel Fournier. Il était déjà enregistré et les textes déjà écris avant de trouver l’interprète qui allait chanté dessus. Ils trouvèrent après de longues recherches et quelques tests infructueux Chantal Weber, qui allait avec brio donner la dimension finale de l’album. Ce disque de chansons pop folk délicates et complexes est dur à classer. Les arrangements sautillent d’un instrument à l’autre avec beaucoup de finesse, le résultat parait si naturel avec les voix enregistrées après-coup. Il reste l’uns des plus beaux albums chantés en français sur le Kiosque d’Orphée. Il est paru en 226 exemplaires.
DOMINIQUE A (1991):
Tiré d’un« Un Disque Sourd » un des derniers albums sorti sur le Kiosque d’Orphée, « Silence entre nos larmes » est une des nombreuses perles du premier album de Dominique A. Sur ce premier album on retrouve aussi « Le Courage des Oiseaux » morceaux emblématique de Dominique A. Un disque incroyable, réalisé avec les moyens du bord, des textes prodigieux sur des musiques
désuètes mais bourrées de charme. Enregistré avec un clavier Yamaha sur un 4 piste, ce disque tiré en 150 exemplaires marque de la plus belle manière la fin du Kiosque d’Orphée et le début de la carrière de Dominique A.
TEMPLE SUN (1979):
Temple Sun est un groupe instrumental de la région de Toulon formé en 1971. Il y a dans la formation un saxophoniste, deux percussionnistes puis viendront se greffer un guitariste, un bassiste et un organiste. Ils jouent et improvisent un Jazz Psychédelique instrumental avec entre autres John Coltrane, Miles Davis, Soft Machine et Santana comme influences. La formation change souvent, avec des départs et des arrivées et ils donnent en 1974 à Châteauvallon leur premier concert en première partie de Wapassou puis ils tourneront jusqu’en 1980 dans tout le sud de la France. Ils joueront lors de cette période en première partie de Magma en 1977 et dans des festivals et concerts avec à l’affiche Ange, Soft Machine, Carpe Diem… Ils réalisent la musique du documentaire « Marshio,
Megapolis Micropoles » sur la ville de Marseille et sortent leur unique 45 tours en 1979. Ils ne signeront pas de contrats avec des labels, qui veulent leur imposer des voix et des durée de morceaux formatés.
POLARIS (1978):
Alain Tirlemont a une formation classique en violon , il a été 1er prix de violon à Boulogne sur mer.
Inspiré par Genesis de l’époque de Peter Gabriel, il s’est mis à la guitare et au clavier. Ils jouera à l’issu de son service militaire avec d’autres amis musiciens rencontrés à l’armée. Ils vont créer un petit studio amateur dans un pavillon qu’ils appellent « Le Mini-Bus » et cet unique 45 tours sortira à cette époque. D’abord seul a composer pour la face A « Polaris », son frère Daniel viendra apporter son aide et composera le morceau en face B. C’est un ami commun qui a joué la batterie sur le disque et aidé a réaliser l’enregistrement. Les arrangements de ce morceau cosmique progressif sont réalisés avec des claviers et synthétiseurs (un Farfisa, un Prophet 5 et un Moog) plus la section rythmique composée de la basse et de la batterie. Les pochettes, faites au pochoirs sont toutes différentes les unes des autres. Alain a par la suite crée une école de musique a Enghien les bains.
MAR VISTA (1977):
Mar Vista est composé de deux musiciens, Claude Cuvelier et Jean Skowron qui se rencontrent via le frère de Claude à Lille.
Jean mettait lors de concerts de blues des micros dans des valises qu’il tapait pour créer des sons très primitifs, ce qui impressionna Claude. Quand il a un peu d’argent, Claude va à Paris pour acheter des disques d’Amon Dull, de Kraftwerk découvert dans Rock & Folk, de Terry Riley et de musique répétitive. De son côté Jean est très inspiré par les Pink Floyd , Alan Parsons et Tangerine
Dream. À leur début, en 1973, les deux compères vont faire des concerts ou ils jouent des morceaux de 45 minutes qui tournent autour d’un seul accord par morceau à la manière de la musique balinaise. Ils achètent un Mini Korg en 1972 puis un synthétiseur Yamaha et un orgue Farfisa. Ils voient Henri Salvador à la télévision avec une boite à rythme à piles dans son home studio et achètent celle-ci. Sur leur album « Visions » chacun a composé sa face en aidant l’autre mais en le laissant libre de donner la direction. Chacun a son magnétophone 4 pistes, un Teac pour Jean et un Phillips pour Claude. Le morceau « Her eyes are closed » est écrit par Jean et sa femme, il a aussi l’idée du réveil en introduction du morceau. Le bruit du vent entre les morceaux est réalisé par le synthétiseur Yamaha avec du white noise. Cet album est un des meilleurs albums parus sur le Kiosque d’Orphée, il sort en auto-production après que les deux amis aient essuyés les refus des quelques labels qu’ils avaient contactés.
JOEL BOUTOLLEAU (1977):
Morceau tiré de l’album électronique « caractères » dans la veine d’Alain Meunier et Didier Bocquet que Joel Boutolleau a pressé en toute petite quantité afin de démarcher des radios et labels en 1977. Sorte de librairie musicale cosmique, ce disque était envoyé avec les crédits et parfois un petit mot écrit à la main par l’artiste sur des pochettes vierges blanches.
DIDIER BOCQUET (1977):
Didier Bocquet commence la musique comme batteur puis se met aux synthétiseur en 1976. A l’aide d’un Roland System 100, d’un Roland SH7, d’un Crumar Performer (Brass et String Machine Polyphonique) et d’un 4 pistes il donnera naissance à cet album enregistré dans sa maison de Saint-Michel-sur-Orge. Après avoir réalisé une cinquantaine de cassettes promos afin de trouver un label il finira sans réponse positive de labels par presser lui même son disque en 250 exemplaires avec le Kiosque d’Orphée. Sous influence direct d’Heldon, de Klaus Schultze et de Tangerine Dream ce disque reste une des rareté les plus recherchée paru sur le Kiosque d’Orphée.
ALAIN MEUNIER (1979):
A la base Alain meunier était plutôt un guitariste de Rock. Il va se mettre au synthétiseurs et composer la musique d’un film pour le club de plongée Pagure à côté de Bordeaux. Voulant développer les morceaux du film, il va les reprendre dans son home studio avec un magnétophone Teac 4 Pistes, un synthétiseur Korg 800 DV, un Welson Keyboard Orchestra et des guitares acoustiques et électriques enregistrées en re re pour rajouter des nouveaux éléments. « Voyages au Fond de la Mer », un album devenu culte, sorte d’ovni cosmique et synthétique « dédié à tous les plongeurs subaquatiques, au club “Pagure” et à tous ceux qui se battent pour la protection de la Nature. . ».
///////////////////Dominique A /////////////////////////
Nous étions en 1990 et c’était plié : le vinyle allait disparaître. Supplanté par le petit objet moche de 12 cm sur 13, censé nous survivre, comme on nous le vendait alors. J’avais 22 ans et j’allais mourir sans avoir jamais « vu » ma musique défiler le long d’un long sillon anthracite, sur un cercle de 30 cm.
Deux ans plus tôt, j’avais autoproduit un 45 tours, que j’avais bourré jusqu’à la gueule (6 titres en 10 mn). J’avais du écouler en tout et pour tout cinquante des mille 45 tours que j’avais fait fabriquer, pas par sursaut d’optimisme, mais parce que je n’avais pas trouvé d’usine pour en presser moins sans que ça me revienne moins cher. Alors qu’en fait, ce qui m’intéressait avant tout, c’était d’avoir mon exemplaire à moi, de regarder l’aiguille déchiffrer le sillon et d’entendre ma voix sortir des baffles. Que d’autres l’entendent me taraudait à peine, ou plutôt je pensais que c’était en pure perte, que j’étais le seul à qui ces chansons pouvaient parler, et qu’il fallait simplement les graver pour en garder la trace, pour plus tard, va savoir quand et au juste pourquoi.
Je m’étais équipé d’un 4 pistes cassette, racheté au manager d’un groupe sur Nantes, et d’un clavier Yamaha trouvé dans une brocante. Ainsi outillé, j’avais enfin pu réaliser deux rêves : pouvoir m’enregistrer moi-même en multipistes quand l’envie m’en prenait et donner un tour synthétique à mes chansons. J’avais dupliqué quelques dizaines de cassettes de mes oeuvrettes, mais j’aspirais par-dessus tout à les compiler sur un 33 tours, avant que le format ne passe la main. Hors de question toutefois de me retrouver avec mille disques de plus, qui plus est king size, dans l’armoire. Un jour, en épluchant l’Officiel du Rock, bible des musiciens amateurs d’alors en ces temps pré numériques, je tombais sur le contact du Kiosque d’Orphée,
« spécialiste », ainsi qu’il était stipulé, « des petites quantités » : le tirage minimum était de 150 exemplaires pour les 33 tours, chaque exemplaire fabriqué revenant, sans la pochette, à 35 francs pièce (5, 50 euros environ), ce qui équivalait peu ou prou au prix qu’on pouvait en tirer à la vente. Mon sang ne fit qu’un tour : c’était là ce que je cherchais.
Un emprunt sous caution paternelle plus tard, je mixais vaguement en deux pistes à bandes quart de pouce mes tentatives synthétiques chez une amie, qui me parlait en même temps que j’effectuais les réglages. Puis j’envoyai la bande au Kiosque d’Orphée à Paris. Apprenant que je n’avais même pas masterisé le mix «(« maste quoi ? »), une connaissance me soutint que le disque serait inaudible ; défaitiste par nature, je ne doutais pas qu’il disait vrai.
Quand je débarquai quelques semaines plus tard dans les bureaux parisiens du Kiosque d’Orphée, le gérant, dans mon souvenir un petit bonhomme près de la retraite au sourire bienveillant, me conduisit jusqu’à une platine sur laquelle il posa un exemplaire de mon disque, orné d’un beau rond central rouge vif avec mon nom, le titre du disque – « Un disque sourd » – et celui des chansons. Le son s’éleva des enceintes, et c’était bien mieux que sur mon master, plus doux et feutré. Je n’en revenais pas. Le petit homme posait l’aiguille un moment sur chacun des morceaux, un vague sourire aux lèvres, guettant mon assentiment. « Tiens, les grillons, maintenant… », fît-il en entendant une boite à rythme insérée dans une disto. Même lesdits
« grillons », pourtant enregistrés en dépit du bon sens, étaient agréables à l’écoute, et c’est lui qui leur avait ôté leurs pénibles aspérités, et les avait rendus, autant que faire se pouvait, audibles.
Je ne sais plus trop à quoi ce monsieur ressemblait exactement. Mais c’était à n’en pas douter un artisan consciencieux, qui ne méprisait pas ses clients, et savait sans doute ce qu’il y avait d’attente et de passion, et sans doute d’un peu aussi de désillusion, dans le fait de faire presser un enregistrement à 150 exemplaires. L’un du mien fit ma bonne fortune, en atterrissant dans les oreilles d’un rock critique influent, comme il en existait alors. Mon histoire commençait. Et peut-être n’aurait-elle pas été la même si un vieux bonhomme consciencieux ne s’était pas penché avec bienveillance sur mes chansons de jeune homme à l’heure de les graver sur sa machine.
Dominique A
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