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01 Tout tremblant de fièvre (1969) extrait du single “Tout tremblant de fièvre” 3:36
02 Façon de parler (1971) extrait de l’album “Acte II” 5:45
03 Annie, Christine ou Patricia (1972) face B du single “Il faut rêver” 4:07
04 À bas tous les privilèges (1973) extrait de l’album collectif “La Révolution Française” 2:26
05 Les indiens du dernier matin (1974) extrait de l’album “Acte III” 4:11
06 Mon premier hold-up (1975) extrait de l’album “N°1 USA Hits Of The 60’s” 2:47
07 Disco Circus (François K Edit) (1978) maxi 45-tours 7:43
08 Bains Douches (1980) extrait de l’album “De sang froid” 5:07
09 J’t’ai vu dans le canoé (1983) face B du single “Solange” 4:43
10 Pourquoi tu m’lâches pas? (1985) face B du single “Trop sentimental” 4:34
Dès sa création en 1969, Martin Circus pose les jalons de la «Pop Musique», un genre inventé qui tourne le dos aux yéyés et au rock’n’roll, leur préférant le psychédélisme et la langue française. En 1971, c’est un groupe phare, une force de proposition, un train lancé à pleine vitesse et qui accroche tout sur son passage. Mais les changements de membres, l’évolution de la musique et un management glaçant ont conduit le Martin Circus à s’essayer à toutes les modes: soul, R&B, glam rock, disco, new wave, variétés 80s. Suivre leur parcours, c’est écouter le monde qui avance au rythme du Top50.
C’est autour de deux personnalités hétéroclites et pétries de talent que se monte le premier Martin Circus à la fin des années 60: Bob Brault, bassiste et compositeur, et Gérard Pisani, parolier et multi cuivres. Déconnectés de la scène yéyé, évoluant entre Paris et Province, ils trouvent un concept: faire chanter en français leurs amis rockers / free jazz Patrick Dietsch et Paul-Jean Borowsky. Alors que les groupes de leur génération chantent en anglais, Pisani francise les textes, qu’il truffe de fantaisie enflammée, de références aux poètes maudits et à la contreculture, convoquant Barbe Bleue, Astérix, Robert Desnos et Frank Zappa. Martin Circus est vite remarqué et joue régulièrement au club branché du VIè arrondissement, le Rock’n’Roll Circus, qui donne son nom au premier album. Mais le groupe explose en vol. Dietsch part aux États-Unis, Borowsky se dérobe, suivi par le batteur JF Leroy.
Brault et Pisani rassemblent un nouveau band. Dans la ferme de son pote Alan Jack, toujours remplie de musiciens de passage, Bob recrute Alain Pewzner (guitare) et René Guérin (batterie). Il leur manque un bon joueur d’orgue. Ça tombe bien il y en a un super au sein de Vogue, label où ils sont eux-mêmes signés: Sylvain Pauchard. Ce dernier pose une condition: venir avec son pote Gérard Blanc (ils sont dans le même groupe, Balthazar). Il n’y a pas vraiment besoin de lui, Martin a déjà son guitariste et tout le monde chante. Néanmoins, au fil des séances, le jeune Gérard s’impose. Il a une grande liberté de chant, une émotion totalement sincère qui donne aux paroles déclamatoires de Pisani l’authenticité que nul autre n’aurait su trouver.
C’est ce groupe reformé qui donne naissance à un deuxième album explosif, rempli de trouvailles fulgurantes et lyrics baroques. “Acte II” a été validé par le label grâce à un tube inattendu. Destiné à être la face B d’un morceau nul créé par impertinence pour faire enrager les gens de Vogue, «Je m’éclate au Sénégal» surprend tout le monde en étant adopté par les radios en vue. Un rythme décalé, des paroles burlesques, un scopitone en costumes cocasses, une apparition dans le film “Les bidasses en folie”, le Circus prend la voie dangereuse d’un groupe rigolo. Mais ceux qui les voient sur scène prennent en gueule un Circus dangereux, violent. On y hurle, on met le spectateur face à un miroir, les paroles soulèvent des questions, les musiciens vibrent sur le fil, une mauvaise ambiance les traverse parfois et apporte de l’électricité supplémentaire. Cinquante ans plus tard, «Je m’éclate au Sénégal» écrase de son succès tout ce que le groupe a produit de grandiose.
Avec la gloire jaillissent, comme souvent, les problèmes d’argent. Ils étaient sous le régime du «on partage tout» mais les gros bénéfices du «Sénégal» sèment la zizanie. Ses auteurs (Brault et Pisani) refusent de partager. Ils seront progressivement éloignés du groupe qu’ils ont eux-mêmes fondé. Pisani s’en va le premier. Brault, principal compositeur, reste pour l’album suivant, “Acte III”. Le psychédélisme de “Acte II” est effacé au profit d’une inspiration marquée par des artistes US comme Paul Revere & The Raiders ou Stevie Wonder. Parallèlement, le groupe ne cesse de sortir en 45-tours des singles inédits, comme c’était alors la coutume. En 1973 les Martin sont invités à rejoindre l’immense casting de la comédie musicale “La révolution française” (aux côtés des jeunes Bashung, Balavoine, Charlots…). Ils produisent les meilleurs morceaux du disque. On les entend sur le générique de la série “À vous de jouer Milord” (écrit avec François de Roubaix), premier exploit d’un cortège de rengaines pour la télé, la radio ou la publicité. En interne les tensions sont trop fortes et Bob Brault part à son tour. Ne restent que les derniers engagés, Gérard Blanc, René Guérin, Sylvain Pauchard et Alain Pewzner, qui vont devenir le visage du groupe pour les années à suivre.
Dans l’ombre, depuis le début du groupe, un homme tire toutes les ficelles: le manager et directeur artistique Gérard Hugé. Il travaille à la fois pour le groupe et le label, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle. La seule chose qui l’intéresse: que sortent des disques, peu importe qui joue dessus. Au milieu des années 70, il dépose le nom Martin Circus. Il a les pleins pouvoirs. Décrétant que le groupe n’a plus ni parolier ni compositeur, il lui impose de se lancer dans une série d’adaptations de hits américains 60s. À la clé, un jackpot: «Marylène», énorme succès qui relance la machine. Les Martin adoptent un nouveau look, costumes brillants façon Courrège, platform boots, pas de danse créés par le farfelu Amadeo. Ils portent tous les attributs de la mode disco qui s’apprête à déferler – mais leur musique mêle doo-wop et rockabilly au glam rock et au funk. Quand enfin ils se mettent au disco, c’est via un film ringard dans lequel ils tiennent la vedette: «Les bidasses en vadrouille», prévu pour les Charlots finalement jugés has-been. Ils composent la BO avec l’arrangeur Gilles Tinayre à la façon de groupes disco français comme Space et Voyage. Et sans le savoir, sortent un futur hit underground: l’épique «Disco circus», long de 14 minutes. Le dj et remixeur François Kevorkian le sort sur le label américain Prelude dans une version rééditée par ses soins, ramenée à 7 minutes et contenant tous les morceaux de bravoure de l’original. C’est un carton dans les clubs de New York et Chicago, qui marque durablement tous ceux qui l’ont entendu. Au moins 40 titres vont le sampler au cours des décennies suivantes, et des dizaines de bootlegs et de compilations prestigieuses vont l’exhumer (Laurent Garnier, Carl Craig, Juan Atkins, Joey Negro, The Beatnuts, The Rapture, ou encore Danny Krivit dans le film sur la culture DJ “Maestro”).
Conséquemment, Léon Cabat, président de Vogue, et son lieutenant Gérard Hugé, nourrissent des rêves de grandeur pour leur groupe. Ils lui commandent un nouvel album disco en anglais. René Guérin ayant quitté le navire, ils ne sont plus que trois pour porter ce projet lourdement orienté Bee Gees / Village People. Par malheur, la vague disco est en train de s’écraser. On entre dans les années 80 et les Martin Circus changent une fois de plus de look et de style. Inspirés par la dance froide de Devo, la synthpop des Buggles et le postpunk de Plastic Bertrand, les trois bricolent un album archi moderne, dans lequel Gérard Pisani fait son retour en tant que parolier et saxophoniste. Toujours aussi inspiré, il rédige des textes punchlines, relatant parfois en quelques mots la moelle d’une décennie qui s’ouvre. «Bains Douches» en est un brillant exemple. Malgré cette clairvoyance, l’album “De sang froid” est un échec cinglant et signe le début de la fin du groupe. Gérard, Sylvain et Alain vont commencer à s’orienter vers des carrières de musiciens, d’arrangeurs, d’auteurs.
Il n’y aura plus d’album du groupe, mais ils se retrouvent en studio de temps en temps, juste pour voir si ça intéresse quelqu’un. En 1983, c’est le 45-tours «Solange», qui propose en face B un titre italo-disco digital («J’t’ai vu dans le canoë») aux arrangements synthétiques qui empiètent sur la future scène house. Un autre single orphelin en 1985, et encore une face B («Pourquoi tu m’lâches pas») qui rivalise avec les hits du moment, comme ceux de Sade ou Matt Bianco. Après, la carrière solo de Gérard Blanc explose grâce à «Une autre histoire», et là, malgré quelques tentatives de revival sans lui, c’est vraiment la fin du groupe. Tout au long de cette carrière en dents de scie, un point culmine: au-delà des apparences, les musiciens de Martin Circus ne se sont jamais laissé aller à la facilité. Leur jeu, leurs arrangements sont constamment imparables et léchés. Un attachement à la qualité qui force l’admiration. Comme disait Coco Chanel, «la mode se démode, le style jamais.»
GUIDO MINISKY
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01 “Tout tremblant de fièvre” (1969), from the single Tout tremblant de fièvre, 3:36
02 “Façon de parler” (1971), from the album Acte II, 5:45
03 “Annie, Christine ou Patricia” (1972), B-side to the single Il faut rêver, 4:07
04 “À bas tous les privilèges” (1973), from the collective album La Révolution Française, 2:26 05 “Les indiens du dernier matin” (1974), from the album Acte III, 4:11
06 “Mon premier hold-up” (1975), from the album N°1 USA Hits Of The 60’s, 2:47
B
07 “Disco Circus” (François K Edit) (1978), maxi 45-tours 7:43
08 “Bains Douches” (1980), from the album De sang froid, 5:07
09 “J’t’ai vu dans le canoé” (1983), B-side to the single Solange, 4:43
10 “Pourquoi tu m’lâches pas” (1985), B-side to the single Trop sentimental, 4:34
As soon as Martin Circus was born in 1969, the band laid foundations for the French “Pop Musique” genre, deliberately turning its back on both French yéyés and rock’n’roll to better embrace psychedelia and the French language. In 1971, they were a pioneering, innovative group moving as fast as a speeding train, building upon everything they found on the way. However, faced with band members changing often, management issues and music evolution, Martin Circus ended up trying to fit in every style: soul, R&B, glam rock, disco, new wave, 80s mainstream music. To follow their journey is to listen to the world shifting along music charts.
Martin Circus was formed in the late 60s by bassist and composer Bob Brault as well as lyricist and multi-brass player Gérard Pisani. Both eclectic and talented personalities, they lived between Paris and various French provinces, constantly moving back and forth. By having their friends Patrick Dietschand and Paul-Jean Borowsky sing in French – both of whom came from different backgrounds, namely rock n’roll and free jazz – Martin Circus invented a whole concept. Despite the groups of their generation singing in English, Pisani made lyrics typically French, almost outrageously so, therefore choosing to disconnect from the yéyé scene. By summoning figures such as Bluebeard, Asterix, Robert Desnos and Frank Zappa, they infused words with bold, playful references to French poètes maudits and countercultural material. They soon became quite famous locally and the band played at the Rock’n’Roll Circus on a regular basis – a trendy club in the Paris 6th arrondissement, which also gave its name to their first album. However, unable to stand to their success, the band split rather quickly. Dietsch left for the United States, Borowsky withdrew and disappeared from sight, soon followed by drummer JF Leroy.
Brault and Pisani put together a new band. They picked up musicians among his pal Alan Jack’s friends who regularly paid him a visit on his farm. Bob recruited Alain Pewzner on guitar and René Guérin on drums. Then, as the band needed a good organ player, he asked Sylvain Pauchard, a talented musician who was conveniently already working for Vogue, the label they were signed to. The latter accepted to join on the condition he would bring along his buddy Gérard Blanc, with whom he was already playing in a group called Balthazar. His presence wasn’t really necessary, as Martin already had a guitarist and everyone sang in the
band. Nevertheless, as the sessions progressed, the young Gérard made a true imprint. Through his unconventional singing, he brought authenticity and an emotional sincerity to Pisani’s declamatory lyrics which proved decisive and irreplaceable.
This re-formed group gave birth to an explosive second album, Acte II, filled with dazzling finds and baroque lyrics. The label agreed to release it thanks to an unexpected hit, “Je m’éclate au Sénégal”, which was first meant to be the B-side of a mediocre song they had created as a joke to enrage the Vogue management. It was a big surprise to everyone when the song came to be massively played by the hippest radio stations in town. With its offbeat rhythm and burlesque lyrics, it sounded like a Scopitone dressed-up in funny costumes. The musicians even played in the French film Les bidasses en folie, and that’s when Martin Circus found themselves on a tricky path, coming close to being considered a total farce. Yet, the people who saw them on stage witnessed another more dangerous and violent aspect to them. There was screaming, there were challenging lyrics blurted out, the audience was exhorted to face their own dullness. Sometimes an angry mood would run through the set and everybody seemed on edge, making the atmosphere even more electric. Fifty years later, the success of “Je m’éclate au Sénégal” still crushes all the band’s greatest hits.
As expected, fame brought about money issues. First, their policy was that all benefits were to be shared between the group members. But the big profits made by “Senegal” caused trouble. Brault and Pisani, its authors, refused to cede the slightest amount of money. For this reason, they were gradually ostracised from the very group they had founded. Pisani left first while Brault, the main composer, stayed on for the next album, Acte III. The psychedelia which had been pervasive on Acte II was abandoned in favor of drawing inspiration from US artists such as Paul Revere & The Raiders and Stevie Wonder. Meanwhile, the band continued to put out previously unreleased singles, as was the custom at the time. In 1973, the Martins were invited to join the huge cast of a musical called La révolution française, alongside young Bashung, Balavoine and Les Charlots. They produced some of the best songs on the record. They were also heard on the credits of the À vous de jouer Milord series, which they cowrote with François de Roubaix. This was a first phenomenal step into the world of TV, radio and advertising where they would later achieve great success. As internal tensions grew bigger, Bob Brault also left. The only remaining members were Gérard Blanc, René Guérin, Sylvain Pauchard and Alain Pewzner, who were to become the face of the group for the years to come.
Behind the scenes, since the very first days of the band, one man had been pulling all the strings. Manager and artistic director Gérard Hugé used to work for both the band and the label – this has never been good news. What he cared about the most was getting records out, no matter who played on them. In the mid-70s, he registered the Martin Circus name, granting himself full power over the band. Deciding that it no longer had either a lyricist or a composer, he made the remaining musicians embark on a series of American 60s hits adaptations. As a result, they made tons of money : “Marylène” was a huge hit and gave them a new impulse. The Martins adopted a new look by wearing shiny Courrèges-style suits and platform boots, and on stage they performed dance moves choreographed by the eccentric Amadeo. They completely fit into the disco craze which was about to take over. Still, their music blended doo-wop and rockabilly with glam rock and funk music. They eventually hit disco when starring in a really bad, corny film called Les bidasses en vadrouille, which was first intended for Les Charlots – but the latter were finally put aside for being too square. Working with arranger Gilles Tinayre, they composed the soundtrack in the manner
of French disco groups such as Space and Voyage. Effortlessly, they released the epic 14- minute “Disco Circus”, a track which was to become a real underground gem. DJ and remixer François Kevorkian then released it on the American Prelude label in a self-edited version, shortened to 7 minutes while retaining all the dazzling passages of the original track. It came to be a hit in the clubs of New York and Chicago, making a lasting impression on everyone who heard it. It got sampled on at least 40 tracks over the following decades and featured in dozens of bootlegs and prestigious compilations – by Laurent Garnier, Carl Craig, Juan Atkins, Joey Negro, The Beatnuts, The Rapture, and by Danny Krivit in the DJ culture film Maestro.
Vogue label president Léon Cabat and his lieutenant Gérard Hugé harbored dreams of greatness for their band. They commissioned a new disco album sung in English. René Guérin having left the ship, only three musicians were left in charge, who heavily resorted to some Bee Gees/Village People-aesthetics. Unfortunately, at the time, the disco wave was coming to an end. As the 80s arrived, Martin Circus once again changed the way they looked and their style. Inspired by Devo and their cold dance music, by Buggles’ synthpop and Plastic Bertand’s postpunk, the three of them crafted a highly modern album, in which Gérard Pisani returned as a lyricist and a saxophone player. As inspired as ever, he wrote genuine punchlines for lyrics, managing to encapsulate and reveal, here and there in just a few words, what was the epitome of the early decade. The song “Bains Douches” is one relevant example. Despite its clear-sighted views, the album De sang froid was a bitter failure and signaled the beginning of the end for the group. Gérard, Sylvain and Alain began to focus on careers as musicians, arrangers and songwriters.
The band would never record another album; however they did meet up in the studio once in a while, just to see if anyone co
Guido Minisky